Le Vent se lève (The Wind that Shakes the Barley) (2006) de Ken Loach
Quelqu'un pourra-t-il enfin un jour expliquer à Ken Loach que le cinéma a évolué depuis 30 ans ? Il est gentil, le Loach, depuis toujours : ses films sont instructifs, totalement corrects politiquement et historiquement, le mec fait des recherches, potasse ses manuels, tout ça, tout ça, c'est nickel pour les cours d'histoire de collège... Mais... comment dire ? Et le cinéma, nom d'une tomate ?
Le Vent se lève est donc du Loach : nickel, documenté, politiquement correctissime, lisse bien comme il faut. On apprend quand même pas grand-chose (la seule scène intéressante au niveau scénar étant une longue discussion en réunion entre des radicaux du Sinn Fein et des leaders du mouvement désireux de tempérer leur ardeur), le film se limite souvent à des combats dans les champs et des personnages qui serrent les dents parce qu'ils sont contraints de butter leur meilleur pote... Disons qu'au niveau de la trame, c'est le même film que les autres. En moins bien, puisque les autres sont passés avant : revoyons plutôt L'Armée des Ombres de Melville, même scénar, même esthétique, mais d'une autre force dans la façon de raconter. Loach est resté bloqué sur les films politico-historiques de ces années-là. Résultat : son film est daté, prévisible, académique, et ennuyeux à mourir.
On devine au bout de 5 minutes quel va être le déroulement du scénario (ouhlà la lutte fratricide, bouh l'amour sur fond de guerre, pfffiou les trahisons internes...), et effectivement tout se passe comme prévu. Ce cinéma de papa, digne des "Dossiers de l'Ecran" ou des téléfilms à thèse de France 2, devrait ravir les amoureux du bôôôô cinéma lyrique, avec son lot de scènes de mélo (pas tenues du tout, à côté de la plaque, pas émouvantes), ses débats à rallonge (désamorcés par le parti pris pro-"mes racines sont irlandaises, comme ma mère et ma soeur, je mourrais pour ce pays, et donc je chante des trucs irlandais") et ses paysages idylliques (seul bon travail du film : la photo). Les personnages sont grossièrement tracés (le radical assagi, le petit frère qui exagère, la rouquine résistante, l'ado peureux, le résistant qui ne parle pas même quand on lui chante des chansons irlandaises...), donc peu attachants. La musique est la même que partout ailleurs. La trame se contente des scènes obligées sans jamais aller voir plus loin. Tout cela sent le patriotisme gavant. Et surtout tout a déjà été fait ailleurs, souvent en mieux. Seules satisfactions : la présence étrange de cet acteur hors-canons esthétiques (Cilian Murphy), l'accent irlandais bien rendu et très joli, et donc la photo. Bref, encore une Palme d'or qui va à un cinéaste pépère et hors-jeu, une Palme bien-pensante et bouffée aux mites (remember The Pianist). Une Palme accordée par Wong-Kar-Waï, cinéaste certes académique, mais qui a su totalement transcender cet académisme par un caractère contemporain précieux. Loach, lui, n'est pas de ce monde, et c'est dommage pour un cinéaste politique. Je n'aime pas Ken Loach. (Gols - 18/09/06)
Je vais finir par me demander si je ne me suis pas tapé plus de films sur L'IRA que sur la guerre du Vietnam. Je pourrais écrire une anthologie. Et Ken Loach n'y figurerait pas en meilleur position. Comment Wong Kar Wei a-t-il pu faire une chose pareille que lui donner la Palme? On peut pas le soupçonner d'avoir du sang irlandais quand même...
Si Cilian Murphy surnage littéralement, avec son regard perdu au loin comme après avoir été torturé en écoutant l'intégral des Cranberries, j'avoue que pendant tout le film mon attitude fut un peu celle de la chèvre en arrière plan, me demandant bien ce que je foutais là et ce que j'allais pouvoir raconter sur ce film... Relisant le billet du père Bibice, je me dis qu'au moins sur les films plan-plan on sera toujours d'accord. Cette histoire de deux frères qui finissent par se retrouver l'un contre l'autre est d'un attendu dans son déroulement qui me fait mal au bide... Tout est à l'image de cette scène de baiser entre Cilian Murphy et sa chtite copine rouquine qu'on attend depuis le début et qui arrive au bout d'une heure et demie, et quand on se dit, ouais Ken, vas-y, lâche-toi, laisse-les faire les fous dans le foin, on a un pauvre fondu au noir, comme si on avait déjà dépassé la mesure... Deux heures d'un académisme téléfilmesque rarement atteint, on finit par avoir envie de le fondre lui-même, le Ken. (Shang - 21/10/06)