Le Paon (Kong que) (2005) de Changwei Gu
Ours d'argent à la dernière berlinade, cette chronique d'une famille chinoise dans les années 70 est une pure merveille réalisée par un grand directeur de la photographie -Changwei Gu- à qui on doit l'image entre autres du Sorgho Rouge, d'Adieu Ma Concubine ou dernièrement de l'excellentissime Les Diables à ma Porte.
Chronique donc "douce amère", comme qui dirait, d'une soeur et de ses deux frères dont les petites histoires anecdotiques touchent facilement à l'universel. Trois caractères bien trempés et autant de petites histoires passionnantes qui passent à toute vitesse malgré les 2h25 du film (la version longue fait 4 heures et franchement, j'en reprenderai bien une petite tranche). Les lubies de la soeur n'ont d'équivalent que la grosseur du grand frère choyé ou le manque de courage du petit dernier malingre. Celle-ci rêve de faire du parachute et finit par en attacher un à son vélo, moment de pure poésie et de tragédie, la mère, voulant mettre fin à ce mini-scandale en pleine rue, se jetant littéralement dans la toile bleue qui s'effondre. Les maladresses du "gros" donne lieu à des scènes de pure comédie romantique: lorsqu'il se plante avec son énorme tournesol à la sortie de l'usine pour une dulcinée qui l'ignore ou encore le rendez-vous pour un mariage arrangé une gate de la campagne qui dégénère après une série de multiples bourrades en baston (cela n'empêchera pas le mariage de se faire...). Le drame et le tragique ne sont jamais loin et Changwei Gu
sait doser à merveille ces instants avec un tact hallucinant: la mère, ayant surpris ses deux plus jeunes enfants en train de manigancer un plan pour se venger de leur frère qui a tous les droits (ils versent de la mort au rat dans son verre d'eau pendant son sommeil mais ils n'osent passer à l'acte et renversent le verre) répète le lendemain la scène en administrant le même breuvage à une oie qui se tord de douleur avant de mourir. Cette scène pleine de cruauté est traitée avec tant de soin qu'on ne peut qu'admirer un tel génie dans la mise en scène... Quant aux parents qui ne cessent de s'excuser pour les maladresses de leurs enfants (la fille a fait tomber un bébé et le gros a enfermé un collègue dans une chambre froide) - comique à répétition qui fait sourire... jaune (ça va, c'est la première fois que je la fais...)- , ils se retrouvent finalement tous les deux seuls à manger, et cette séquence est d
'une vérité poignante. D'autant que la scène de repas à 5 est un des leitmotivs du film et là tout d'un coup, en les découvrant tous deux comme deux âmes en peine, on se sent presque de trop... Ils n'ont plus rien à reprocher à quiconque et les voilà presque "finis"... Dans la dernière partie du film deux des enfants reviendront malgré tout, après quelques expériences peu glorieuses. Po si facile, ben non.
Bon je vais pas m'emballer non plus, mais ce film qui devrait sortir prochainement en France, est rempli de petits instants de grâces qui feraient penser -dans un autre genre et un autre contexte à Yi Yi. Bien content de voir une telle maîtrise cinématographique, en espérant que Changwei Gu aura rapidement l'opportunité de faire... son second film et de nous faire apprécier encore une fois son talent.