Sous le Soleil de Satan de Maurice Pialat - 1987
Une chose d'abord saute aux yeux : Depardieu est énorme, et pas seulement dans le sens où vous l'entendez... Arriver à faire passer un texte aussi solennel de façon aussi belle, aussi naturelle, avec cette puissance, cette force d'émotion, cette "enfance", ce métier, cette douceur, c'est incroyable. Depardieu fut bien le plus grand acteur français (notez le passé simple), et il serait bon que les réalisateurs voient ce film pour arrêter de lui proposer des merdasses.
Bon, le film en lui-même : eh bien, c'est un très bon film, mais, comment dire, ce n'est pas du Pialat, selon moi. Nulle trace ici de ces dialogues "improvisés" (je sais que ce n'est pas le cas, c'est juste l'impression que ça donne) qu'on trouve dans les autres films du gars. Ici, donc, un aspect extraordinairement littéraire, une rigueur toute bressonienne dans le traitement des dialogues, qui est étonnante chez l'auteur de Nous ne vieillirons pas ensemble. Cela dit, le texte est très beau et souvent très bien porté par les acteurs. Le sujet lui-même semble loin de Pialat, qui sort de ses histoires sordides de couples qui se déchirent ou de jeunesse perdue. Mais c'est assez émouvant de voir le vieux bougon explorer les arcanes de la grâce, de la foi, du doute religieux. C'est même en fin de compte un bel exemple des pensées profondes de Pialat, comme si Sous le Soleil de Satan était son film le plus personnel, le plus intime. On sent qu'il y a là une sincérité troublante, une recherche de la beauté intérieure du cinéaste lui-même. Ce film lui tient indéniablement à coeur.
Si l'ensemble est tout de même très austère, la rigueur de la mise en scène (alternance de longues scènes dialoguées et simplissimes et de plans courts qui déplacent les actions dans la nature) fait merveille une fois de plus. Les travellings de Pialat ne ressemblent définitivement pas aux autres, ni ses coupes au cordeau (on interrompt un cri en plein milieu, on change brusquement les angles, on bourre de faux raccords), ni ce rythme impeccable qui donne cette aridité au film. Si le sujet lui-même ne m'a guère passionné (le doute religieux, le blasphème, la hantise de la sainteté), le film est en lui-même précieux et touchant par sa radicalité et sa poétique, par l'investissement de Pialat, par son attention aux visages, à la nature, et à la lumière intérieure de ses acteurs.
Et puis qui aurait aujourd'hui encore le courage d'un tel film ?