Funny Games de Michael Haneke - 1998
Me suis fait un petit cycle Haneke ce week-end, c'est dire la chaleur qui émane de mon univers actuel... Bref...
Funny Games est une horreur absolue, et c'est un chef-d'oeuvre. Proprement insupportable, il est à l'image des autres films de Haneke : froid, mathématique, inéluctable, jouissif, malsain, provocateur et radical. Comme dans The Birds d'Hitchcock, la mort est ici absurde, implacable, inexplicable. Le film plonge dans les arcanes de la métaphysique par son aspect brutal et incompréhensible. Deux jeunes hommes déciment une famille. Pourquoi ? On ne sait pas. Haneke évoque nombre de possibilités (enfance opprimée, influence de la télé, violence sociale...), mais ce massacre restera inexpliqué. Bien sûr, il va beaucoup plus loin que ça en incluant le spectateur lui-même dans la boucherie. Incroyables et terrassants sont les petits clins d'oeil adressés par le "héros" au public : on a envie que le cauchemar aille jusqu'au bout, et notre goût du morbide et de la violence repose uniquement sur le bon vouloir complice du personnage. C'est horrible : encore une fois,
Haneke nous fait voir notre sadisme et nous en fait jouir. Du coup, le cinéma devient réel, et ce malgré les artifices énormes mis en place : une scène qui ne plaît pas au personnage ? On attrape la télécommande, on fait un retour en arrière et on change la progression du récit. Ce film est d'une audace incroyable. Si ses références sont kubrickiennes en diable (Orange Mécanique bien sûr, mais aussi Shining), il va plus loin que Stanley par son dispositif mathématique hyper-contemporain, par ses mises en abîme "morales", par son implication politique. Le travelling est affaire de morale, oh que oui, mes amis. Caché ira dans le même sens, mais peut-être avec moins de frontalité que Funny Games.
Le mise en scène est bien sûr à l'avenant : la violence est toujours hors-champ, et seul le son déclenche le dégoût. Le tempo du film est millimétré, parfait, incroyablement pensé. Les acteurs, plongés dans des situations absolument injouables, sont prodigieux. En fin de compte, nous sommes les assassins du film. On se sent crasseux après un film d'Haneke, et il me semble que c'est l'un des rôles du cinéma de nous faire sentir nos côtés les plus sombres et les plus dégueulasses. Ca n'est que mon opinion.