Rio Grande (1950) de John Ford
Pas facile de retrouver son fils et sa femme 15 ans après (il a 15 ans et elle... euh 29). Mais derrière la façade de l'immense John Wayne se cache un coeur aussi sensible et tendre qu'un coeur de cactus. S'il tance son fils fraîchement débarqué dans son régiment, c'est pour mieux le regarder du coin de l'oeil avec une pointe d'émotion. Si les rapports avec sa femme qui ne le ménage point -15 ans après que sa propriété a brûlé sous son regard- sont quelque peu tendus, il ne peut s'empêcher d'avoir la moustache qui frétille chaque fois qu'il pose son regard sur elle. Les relations père/fils sont au final assez convenues - dans la grande tradition américaine "montre moi que tu es un homme mon fils !"-, d'autant que le chtit Yorke peine à faire le poids. La grande réussite se situe surtout du côté de l'association Wayne/O'Hara, couple qui fonctionne à merveille. Toutes leurs scènes ensemble -des discussions froides aux baisers foudroyants- ne sont que du bonheur à l'image de la scène finale où, au passage du régiment, la chtite Maureen emportée par la musique au côté du John stoïque, fait tourner son ombrelette à 3000 à l'heure, l'oeil pétillant plus que jamais.
De la camaraderie, de l'attaque d'Apaches qui vous laisse du sable dans les yeux, de grands moments musicaux à faire pleurer ta mère, on assiste à du solide. Certes, il n'y a pas de "grands morceaux de bravoure" mais c'est peut-être aussi en cela que le film est le plus touchant, à hauteur d'homme. Quant aux cadres de Ford, c'est encore une fois de l'Art pur. (Shang - 07/07/06)
Bonheur de pouvoir revoir ce classique des classiques sur grand écran : on y découvre que ce film, loin d'être mineur comme le disent les critiques en général, est une pure merveille visuelle. On est ébahi par la science du cadre de Ford, pour cadrer par exemple les ciels qui s'étendent derrière les acteurs dans les plans américains, les sols craquelés du Texas dans les plongées, le minuscule statut des hommes au sein des paysages dans les plans d'ensemble. Si Ford est parfois, ça et là, pris en flagrant délit de paresse, notamment dans le scénario lâche et dans la direction d'acteurs, on reconnaît immédiatement sa patte dans ces plans superbes, tout en noblesse et en grandeur. L'imposant appareil technique ne fait pas pour autant oublier la grande intimité que raconte le film, et les minuscules sentiments humains qu'il décrit : il s'agit de reconstituer une famille valable au sein du gros barnum de la cavalerie, des batailles d'Indiens et des enlèvements d'enfants. Wayne doit gérer non seulement ces menus incidents que toute garnison endure, mais aussi l'arrivée de sa femme, quelque peu énervée par leur passé non résolu, et bien décidée à faire revenir Junior au bercail : c'est-à-dire à faire démissionner leur fils des rangs de l'armée et le faire retourner à ses études. Mais Wayne, viril et juste, sait que si son fiston a fait ce choix, il faut qu'il l'assume, quitte à l'envoyer directement au casse-pipe pour récupérer des otages. Cette petite quête familiale placée au coeur d'un western grand crin avec chevaux piaffant et Apaches hurlant réchauffe le coeur, à l'instar de ces plans où Wayne, observant son fiston à la dérobée, affiche un large sourire paternel. Il y a d'ailleurs presque 3 générations représentées là-dedans, Victor McLaglen figurant un tonton grincheux et marrant tout à fait crédible. Il amène la patte comique du film, et s'en tire avec les grimaces impayables d'usage, on est content.
Thématique donc éminemment fordienne, celle du combat entre honneur et famille, et univers immédiatement reconnaissable, on est bien dans ses pantoufles. Certes, le film n'est pas le meilleur de son auteur, à cause de ces attaques d'Indiens un peu bâclées ou du manque d'envie dans les scènes vraiment spectaculaires. Mais si on ronge un peu son frein dans les scènes d'action, on ne peut qu'apprécier les séquences de quotidien du fort, où Ford excelle à rendre humains et attachants ces hommes entre eux. Notamment avec la foule de chansons qu'il sème au long du bazar, qui arrive parfois comme un cheveu sur la soupe (on sent que Ford doit avoir un beau-frère dans le groupe), mais qui mettent la larmichette à l'oeil de nos cow-boys, et du coup au nôtre aussi. Rio Grande est un petit film très attachant, et voilà tout. (Gols - 10/10/19)