Amarcord de Federico Fellini - 1973
Franchement, quand on voit l'ampleur et l'ambition des films de Fellini, on se dit que Kusturica peut aller se rhabiller. Chez le maestro, les insensées plans de foules ne sont jamais de la pure virtuosité, c'est toujours intelligent, plein de vie, le sang palpite là-dessous comme c'est pas permis.
J'ai toujours eu un amour particulier pour Amarcord. J'en adore le ton général, et cette magnifique mise en regard de moments tragiques (la mort de la tante par exemple) et de moments burlesques, voire carrément triviaux (la branlette collective dans la voiture). Fellini est un grand poète, non seulement au niveau formel (et ce film là est une merveille de maîtrise stylistique) mais au niveau du fond. La nostalgie des souvenirs d'enfance n'est jamais mièvre, on est très loin du film de terroir. C'est juste des souvenirs de (déjà) vieil homme, souvenirs reconstruits par le temps, réinventés par le biais du ciné. Une sorte de Proust en plus gai, voyez ? Le film oscille sans arrêt entre éléments les plus concrets possibles (ça balance souvent des pets énormes, ça brandit des seins monstrueux) et pur onirisme (une scène de vache qui apparaît dans le brouillard qui ferait pâlir Tim Burton). Ce ton si particulier est là, dans ces scènes toutes très différentes, toutes étranges, toutes légèrement "trop". Fellini remplit ses plans comme un tableau de Bosch, puis isole un personnage, le plante dans un immense décor, s'attarde 2 secondes sur un sentiment mélancolique infiniment doux, avant de nous ramener à nouveau dans une danse burlesque (au son des petits bidules de Nino Rota, grand génie). On se laisse entraîner, et c'est un putain de bonheur. J'ajoute que j'adore ces très légers recadrages qui donnent au plan un infime mouvement, qui font que le film est "mobile" sans arrêt (son plus génial plan dans ce sens étant le dernier de Il Bidone, une tuerie). J'ajoute enfin que le choix des acteurs est tout simplement sidérant, les tronches les plus laides étant sanctifiées par le seul regard du maître, par la seule magie des situations qu'il crée. Toutes les scènes, prises une par une, sont à hurler, et tout ça est en plus très homogène, brillantissime dans la structure et le plan général. Amarcord est génial, tout simplement.