Ivre de femmes et de peinture (2002) (Chihwaseon) du vénérable Im Kwon-Taek
Après le magnifique Chunyang (2000) aussi tranquille et poétique qu'un mouvement de balançoire (Im Kwon Taek est le seul à pouvoi
r se targuer de me faire écouter de l'opéra coréen sans ciller), le sobre et doux Seopyeonje (1993) aussi limpide qu'une brise sur un lac (Im Kwon Taek est le seul à pouvoir se targuer de me faire écouter des pansori sans sourciller), je n'avais jamais eu l'occasion de voir les tribulations de ce peintre à la fin du XIXème siècle en Corée.
Cette période très mouvementée historiquement (un coup les Japs, un coup les Chinois...) sert donc de toile de fond aux mésaventures d'un grand artiste qui trouve son inspiration dans l'alcool de riz, la beauté des femmes et les pitits chemins de campagne, là où le vent secoue les arbres au ralenti, en caressant doucement les ailes bleu-nuit d'une libellule. Au bord de la folie parfois (ses cris de rage sous le tonnerre ou sur le toit une bouteille à la main me donnent encore des frissons), dévoré par son oeuvre (photo ci contre éloquente...), Im Kwon Taek nous ravit par la précision de ses cadres, de sa mise en scène (primée à Cannes en 2002, la moindre des choses), la beauté de ces paysages et... celle de ces actrices.
Tous les dessins et estampes donneraient envie de repasser une journée entière au musée d'art de Shanghai et la justesse de sa caméra rend véritablement hommage au coup de patte magistral du peintre... Souvent incompris, se remettant constamment en cause, refusant de se répéter pour ne pas mourir, il n'hésite pas à errer de ville en village pour partir à la recherche d'estampes perdues (c'est juste pour le jeu de mot...), retrouvant l'esprit des grands maîtres à force de travail et de pugnacité et en créant "guidé par la main de Dieu". Voilà le portrait d'un artiste au travail comme seuls les Asiatiques semblent pouvoir les réussir (un clin d'oeil au maître Kitano en passant)
Seule ombre au tableau, ce film est dans le classement 2002 de Télérama. Désolé.