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11 septembre 2025

La Carte brûlée (Moetsukita chizu) (1968) de Hiroshi Teshigahara

Teshigahara collabore avec Abe Kôbô pour une troisième et ultime adaptation d'une œuvre d'icelui et met en scène le génial Shintarô "Zatoichi" Katsu : au moins trois raisons suffisantes pour visionner ce film et se demander comment on avait pu jusque-là passer à côté d'une telle œuvre ? Sans doute, me diront les plus sceptiques ayant déjà vu la chose, parce que le scénario semble "s'auto-détruire" de lui-même, disparaître chemin faisant. Ce à quoi je répondrai en montant sur mes grands chevaux : mais putain, justement, c'est le sujet du film ! Mais reprenons depuis le début : soit donc un détective, la masse Shintarô et son air toujours lunaire, employé par une femme pour enquêter sur la disparition soudaine de son mari. Notre homme, le plus sérieusement du monde, se met au travail même s'il se rend compte rapidement qu'on lui dissimule plusieurs informations essentielles (pourquoi la femme lui a-t-elle notamment caché l'existence de son propre frère ?). Pire, plus il fait la connaissance de proches de cet homme, plus il se rend compte que personne ne semble vraiment pressé de savoir où il est... L'enquête, en l'absence (...) de quelconques informations valables, s'enlise inexorablement...

Les fans de résolutions d'énigme en seront pour leur frais... Les fans de Lynch ou de Cronenberg, ayant quelque peu l'habitude et l'envie de se perdre en cours de route, seront plus à la fête. Car oui, disons-le, on aura rarement vu une enquête tourner aussi rapidement au marasme... Shintarô fait ainsi la connaissance du fameux frère de la femme du disparu, frère qui l'emmène, de nuit, dans un curieux terrain vague où vaquent des ouvriers... La situation dégénère rapidement (déferlement de violence, viols, meurtres gratuits... le frère n'en ressortira d'ailleurs pas vivant) et notre détective de se carapater pour échapper au pire... Il n'aura guère plus de chance lorsqu'il croisera la route d'un ancien collaborateur du disparu : découverte de photos pornographiques pris par l'homme recherché, visite des milieux chauds de la ville qui débouche, une nouvelle fois, sur que dalle... Shintarô qui comptait pourtant sur cet homme, réalise qu'il a affaire à un affabulateur de la pire espèce... Encore une piste qui tombe piteusement à l'eau. Le reste sera à l'avenant, Shintarô allant de Charybde en Scylla, d'abîme en abysse... Il s'en prend d'ailleurs tellement au passage qu'on finit par se demander s'il ne va pas disparaître à son tour - mais cela ne constituerait-il pas, enfin une sorte de finalité, une "piste sérieuse" dans ce film qui les brouille volontiers depuis le départ ?

De l'art de disparaître. Comme le disait (approximativement) le philosophe Bertrand Blier par la voix de Gérard Depardieu dans Buffet froid : "mais putain on est tous en voyage..." Cette œuvre de Teshigahara-Abe sans avoir la force de La Femme de Sable renoue avec cet univers qui ne cesse d'osciller entre le réalisme le plus rugueux (la pornographie, la violence, les couleurs vives de la rue...) et cette sorte de déliquescence, cette absurdité terrible de notre propre petite vie. Plus Shintarô avance, plus il s'enfonce, et les situations troubles, incontrôlables, à la limite de la fantasmagorie parfois, de se multiplier : cette émeute nocturne, cette femme croisée et que Shintarô recouvre de feuilles, cette descente inutile dans les bas-fonds de la ville, cette visite inattendue chez sa femme qu'il a quittée du jour au lendemain (...), ce passage à tabac qu'il subit et la scène d'amour qui s'en suit... Shintarô passe par tous les états, par tous les doutes, perd d'ailleurs son taff en route, ainsi que toute velléité de sobriété (la première rasade de saké annonce une douce pente alcoolisée...) et s'enlise inexorablement dans cette quête sans queue ni tête. Teshigahara trouve toujours des angles de vue magnifiques (le rôle prépondérant des miroirs, des reflets) pour traduire les aspects les plus tordus de ce monde et trouve en Shintarô, errant les yeux grands ouverts dans ce cauchemar à ciel ouvert, le parfait interprète. Un scénario qui se perd en route, mais une superbe œuvre dans laquelle il fait justement bon de se perdre à son tour. Une collaboration entre deux visionnaires qui n'aura cessé de porter ses fruits.

 

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