Sueur douce (Amai ase) (1964) de Shirô Toyoda
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Pas facile d'être une prostipute célibataire alcoolique de trente-six ans avec une fille de dix-sept ans à charge dans le Tokyo des sixties... La toujours excellente Machiko Kyô (terriblement réaliste quand elle est ivre... ce qui n'est jamais facile, dit-il) tente tant bien que mal de refaire sa vie avec des vieux de la vieille puis avec un ancien amant, mais à chaque fois, il semblerait que le sort s'acharne, que son passé la rattrape, que l'avenir la matraque : non, chaque petite ouverture est vouée à se refermer, le malheur sera ton lot. Du coup, elle picole. Et picoler, on le sait nous les alcooliques, n'a jamais permis d'arranger une quelconque situation, surtout une fois la bouteille vidée (et la suivante). Du coup, elle picole. La seule chose qui l'accroche encore quelque peu à la vie, outre ses éternelles illusions de trouver un pigeon fiable, est l'existence de sa fille Takeko (l'ultra pétillante Miyuki Kuwano) qui tente de faire des études dans l'adversité... Seulement voilà, les rares fois où les deux se croisent, soit Kyô est saoule, soit elle est ivre morte... Takeko commence à ronger son frein et à désespérer de cette mère qui, au mieux, lui joue de sales plans et la met dans la panade...
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Kyô est mirifique dans ce rôle de femme tour à tour déchiquetée, séductrice auprès de ses marlous avant d'être dépitée, puis déchiquetée, puis tentant d'assumer entre deux hips son rôle de mère avant de s'effondrer, déchiquetée. Toyoda, c'est sûrement là l'une des très grandes qualités du film, filme comme jamais ces personnages en gros plan dans des lieux très exiguës, la caméra, malgré le nombre de corps et de déplacement en huis-clos, se faisant toujours scrutatrice et magnifiquement oublier. Il y a notamment toute cette séquence qui se déroule chez la mère de Kyô qui continue d’héberger toute la famille (enfants, maris, petits-enfants, oncles, femmes...) et où tous les soirs le tatami ressemble à champ de bataille de corps morts : lors du réveil, c'est le branle-bas de combat et l'on suit au premier, deuxième ou troisième plan, tout ce petit monde s'agitant... Une proximité presque fatale pour la cette pauvre Takeko (l'oncle prédateur qui pousse son propre gamin durant la nuit pour s'approcher de la sa chair fraîche... on frémit...) qui n'aura de cesse de subir l'étouffement de cette famille en plus de l'irresponsabilité de sa mère (pour preuve cette lettre qu'elle laisse en annonçant sa fugue... lettre que personne ne prendra la peine de lire avant son retour déprimant quelques jours plus tard... duraille). Toyoda, on l'a compris, filme ces corps au plus près, notamment celui très chancelant de Kyô, ces corps qui suintent de fièvre, de transpiration, de fatigue alors même que les âmes, en quête d'affection, se retrouve plus souvent qu'à leur tour, en totale déshérence sentimentale. Film âpre, pathétique filmé toujours de main de maître par Toyoda et dans lequel surnage une Machiko Kyô entre les vapeurs d'alcool.
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