Monsieur Bébé de Claude Chabrol - 1974
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On continue à piocher anxieusement dans les petits films que Chabrol a réalisés pour la télé, et on déchante de plus en plus. Cet épisode pouvait promettre des étincelles, puisque c'est le premier de la série "Histoires insolites", qu'il aurait été de bon ton de lancer avec un bel objet, et qu'il s'agit d'une adaptation du grand Cortazar, pas le dernier pour nous fournir notre dose d'étrangeté. Or, Chabrol saccage tout. Par sa photo, franchement immonde, par sa musique, en décalage complet, par son scénario, qui traine en longueur et ne parvient jamais à atteindre le trouble de l'auteur de la nouvelle, mais avant tout par sa mise en scène, arythmique, pataude. Tout ce qui pouvait fonctionner comme élément proche du fantastique, tous les motifs d'inquiétude qu'on sent derrière cette bizarre histoire, est gâché par une paresse d'auteur et de cinéaste assez terrifiante quand on songe qu'on a quand même là un metteur en scène de renom. Peut-être que les 55 minutes du métrage était un format trop long pour exprimer le sentiment délicat et diffus porté par l'histoire : Chabrol délaye, s'enferme dans des scènes non seulement ennuyeuses mais laides, et pond un pensum assez pénible à suivre.
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C'est l'histoire d'une petite dame (Denise Gence, impeccable, et c'est la seule qualité du film, avec la présence nonchalante de François Perrot), trop seule, trop veuve, trop amoureuse du Ricard, qui se voit un jour engagée dans une grande demeure pour garder les chiens de la maison. Elle s'y rend et rencontre à cette occasion Mr Bébé, un étrange jeune homme qui lui accorde de l'attention, discute avec elle, lui caresse les cheveux, lui paye un verre, bref un être angélique (effet renforcé par son costume immaculé et sa blondeur). Des mois plus tard, on lui redemande ses services, cette fois pour servir de mère pleureuse à un peintre de renom qui vient de mourir et qui n'a pas de famille. La petite vieille va alors subir une sorte de vortex qui l'emmène aux abords de la folie, sous la forme d'un transfert sentimental. Ça aurait pu être franchement très beau si le sujet avait été un tant soit peu travaillé : avec une telle actrice, capable d'être dans la même scène pitoyable (ses soliloques agaçants, son bon sens qui confine à la bêtise) et bouleversante (son irrépressible soif d'être aimée, qui passe dans ses tout petits gestes et dans sa seule présence), Chabrol avait à sa disposition du velours. Mais il transforme cette histoire très sensible en grosse farce anti-bourgeoise, en comédie grinçante, en foutoir complet (l'interminable scène dans la cuisine, les scènes inutiles avec les domestiques, l'idée bête de l'héritage possible...). La série lancée par notre cinéaste (et une poignée d'autres) démarre sous de bien pâles auspices.