Leurs Enfants après eux de Ludovic et Zoran Boukherma - 2024
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Incroyable de voir comme les frères Boukherma, si singuliers et prometteurs dans leur premier long-métrage, se sont embourbés en deux films seulement dans la convention et la bêtise. S'il y avait encore ça et là quelques traces de talent dans L'Année du Requin, ils se dévoilent aujourd'hui, avec Leurs Enfants après eux, comme de bien piètres auteurs, comme des cinéastes sans esprit, et comme des directeurs d'acteurs complètement dans les choux. Adaptant l'inadaptable et grand roman de Nicolas Matthieu, ils passent complètement à côté : le livre était une réflexion "grand public" sur les classes sociales, sur le mépris de chacune pour les autres. Eux transforment ça en bluette sentimentale, en portrait d'adolescent et en thriller sans pêche, c'est consternant. Pour eux la classe, et la populaire particulièrement, n'est qu'une succession de clichés, de motifs, de gadgets : le père alcoolo, les mobylettes, les petites arnaques pour s'en sortir, l'ennui de province ; quant aux années 90, elles ne sont pas mieux traitées : quelques tubes (d'ailleurs ripolinés par des arrangements immondes, pauvres Pixies), une photo à gros grain, et emballez : voilà pour le contexte, là où le roman fouillait avec une précision impressionnante un milieu, une époque, une géographie. Les Boukherma préfèrent filmer l'histoire très accessoire d'une rivalité non entre classes mais entre cultures : Anthony et Hacine sont ennemis depuis que l'un a humilié l'autre lors d'une soirée chez les bourges, et cette rivalité durera une bonne décennie. On s'en fout complètement, mais pas les brothers, qui axent tout leur film là-dessus, passant allègrement à côté du pan sociologique de leur film. Du fond (les hauts fourneaux de l'Est), on ne verra rien, qu'un déco plaqué derrière cette histoire, qu'un prétexte.
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Consternation et douleur donc, mais encore augmentée par la mise en scène des réalisateurs. On dirait un brouillon de L'Amour ouf (film devant lequel je me suis évanoui d'horreur à la 24ème minute). Même sans la présence de Lellouche (nullissime : pas facile de faire le mec saoul, en voici la preuve), il y a dans ce romantisme à la con, cette façon de regarder l'adolescence comme un vieux boomer, ce traitement de la musique, ce sentiment amoureux traité au plus rapide, le même espèce d'esprit cynique et putassier que dans le film de Lellouche. Sans aucune sincérité, les Boukherma filment tout ça sans envie, avec juste la satisfaction de diriger le film bankable par excellence, adapté d'un Goncourt à succès. Les acteurs (minable Paul Kircher, notamment), le maquillage (c'est quoi cette idée du visage bleu et de l’œil à moitié fermé du héros ?), les costumes, la musique, tout est raté, tout montre un amateurisme qui, s'il pouvait fonctionner sur l'improbable Teddy, fait figure d'incompétence dans cette grosse production. On attendait un fresque politique, on est face à un pauvre portrait d'adolescents même pas réaliste, et à un film de papys fantasmant leur passé. A 35 ans, c'est dommage.
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