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10 mai 2025

Les Linceuls (The Shrouds) de David Cronenberg - 2025

Je ne sais si Les Linceuls sera le dernier film de Cronenberg, mais il a en tout cas des allures testamentaires bien morbides. Fidèle à ses fantasmes torves habituels, le gars, sur ses vieux jours et marqué par son veuvage, réalise une sorte de lente œuvre doloriste autour de la fascination pour les corps putrescents : Karsh ne peut se résoudre à la mort de sa jeune épouse, et plutôt que d'aller chercher sa belle dans les enfers façon Orphée, il a mis au point un linceul connecté qui lui permet de contempler le corps sous la terre. Karsh vit ainsi dans la contemplation de sa femme en train de pourrir. On connait les postures glauques de Cronenberg face à l'érotisme ; ici c'est les corps en décomposition qui le déclenche, dans un mélange entre Eros et Thanatos vraiment barré. Pour faire comprendre cette attirance contre nature, il eut fallu un acteur capable de l'éprouver et de la communiquer. La grosse erreur du film, c'est son casting : Vincent Cassel est catastrophique, plat comme une sole, mono-expressif, et ne possède absolument pas les épaules pour interpréter les fantasmes discutables du cinéaste. A partir donc de sentiments si bizarres et d'un acteur aussi mauvais, Cronenberg n'a pas d'autre choix que d'essayer de densifier sa trame par un côté polardeux qui se cherche un peu. Le cimetière high-tech inventé par Karsh est vandalisé, et il se rend vite compte que les Chinois sont impliqués dans l'attentat, et qu'ils pourraient bien même avoir touché directement aux corps 2.0 enterrés ici. La trame se perd dans des rebondissements assez improbables et incompréhensibles, qui ne semblent être là que pour faire semblant de faire tenir tout ça ensemble. 

En fait, Cronenberg se moque des complots et de l'espionnage technologique, de la résolution de son enquête ou de démasquer les coupables. Ce qu'il veut, lui, c'est creuser ce fantasme trouble de la fascination pour la pourriture. On le sent quand il y revient, dans des scènes repoussantes et fascinantes pour ça : en amputant par exemple méthodiquement Diane Kruger, transformant son corps supplicié en fétiche érotisé. Le regard de Cronenberg sur les femmes est assez ambigu : il en filme la nudité sans aucune pudeur (alors que le corps des hommes est soigneusement épargné) et n'aime rien tant que de les faire souffrir, de les muter, pour en faire des objets symboles de souffrance. Crash nous avait déjà alertés : Les Linceuls va plus loin dans ce sentiment, pour le pire (c'est glauque) et pour le meilleur (le gars sait incontestablement déclencher le dégout et la fascination dans le même temps). Malheureusement cette incarnation seule piste valable pour exprimer ce genre de choses, est occulté par un scénario beaucoup trob bavard : le film est entièrement constitué de dialogues, parfois abscons, dans une bête succession de champ/contre-champ sans inventivité. C'est beau bien sûr, les décors sophistiqués et la photo froide sont toujours aussi soigneusement composés, la musique un brin attendue d'Howard Shore est toujours aussi vaporeuse ; mais on s'ennuie dans ce film bon chic bon genre, dans ces interminables dialogues entre (mauvais) acteurs, dans ces tergiversations fumeuses autour du judaïsme, du complot mondial, de la putréfaction et de la vie après la mort. Mille fois trop long, le film fait du sur-place une fois qu'il a dévoilé son intention première (conjurer la mort par le regard, une définition possible du cinéma), et on lâche prise, aussi vaporeux en sortant que les ambiances oniriques d'un film qui n'a plus rien à voir avec la réalité.

 

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