Le Monde perdu : Jurassic Park (The Lost World : Jurassic Park) de Steven Spielberg - 1997
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Allez, un peu de fun et de détente avec nos amis dinosaures qui, 4 ans après le premier (et charmant) volet, reviennent très en forme pour grignoter quelques figurants et pousser de sonores cris de gorge. En pleine période rose-bonbon (Hook, Amistad, beurk), Spielberg réunit ses deux tendances du moment, le film familial bien-pensant et le film de monstres, pour livrer cette suite pas terrible du tout, qui joue trop sur tous les tableaux et ressemble trop à un film formaté pour plaire. Le professeur Malcolm (Jeff Goldblum, plus amer que jamais) atterrit sur une île où, en secret, le savant fou Hammond avait prévu des dinosaures de remplacement au cas où son fameux Jurassic Park foirerait (ce qui fut le cas, souvenez-vous) : un écosystème libre de toute présence humaine, où nos potes diplodocus et T-Rex vivent en harmonie, et où donc sont envoyés le prof, sa femme (Julianne Moore), un ou deux aides-prétexte et sa fille, qui a embarqué en secret dans l'expédition, dans un but d'observation. Mais mais mais, voyez-vous ça, débarque en même temps une horde de mercenaires patibulaires aux ordres d'un consortium bien ripou et vénal, avec eux pour ordre de ramener un splendide spécimen de tyrannosaure à New-York histoire d'alimenter un zoo 2.0, et au passage de faire un petit safari et ramener de la corne de tricératops. Goldblum gentil, mecs en treillis et en jeep méchants ; famille gentille, chasseurs méchants ; défenseurs de la nature gentils, anti-écolos méchants. Ok, on prend note et on envoie le truc.
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Le sucre tue peu à peu la gentille fable écolo de Spielberg, trop fasciné par l’innocence des enfants et la pureté de la nature pour penser à faire du cinéma. Au bout de 20 mn, on n'a qu'une envie, que les chasseurs explosent du dinosaure, qu'on ferme la bouche de cette gamine crispante, et qu'on passe un peu à autre chose qu'à cette mièvre variation sur les hommes qui saccagent la nature. Très bavard, le film peine beaucoup à renouveler la jolie terreur qu'il avait instaurée dans le volet n°1 : les mêmes effets pour prévenir de l'arrivée des monstres (la flaque d'eau qui vibre, le son sourd, le fameux "regard-Spielberg" de bas en haut dont le gars abuse ici), des scènes d'action un peu illisibles, des personnages schématiques qui ne sont là que pour se faire bouffer, vraiment le cinéaste est à la peine là-dedans. L'émerveillement éprouvé jadis à voir ces bestioles ressuscitées de façon crédible est perdu, les effets spéciaux, même remarquables, tournent un peu à vide. On suit sans beaucoup de passion ce film d'aventure pour enfants, qui oublie cette fois de nous faire éprouver les deux sentiments qui me semblent primordiaux dans tout conte : l'empathie et la peur. D'empathie on n'a point compte tenu des personnages, soit assez désagréables (y compris les gentils) soit caricaturaux ; et de peur point non plus, l'effet de surprise étant passé. A la place, Spielberg nous ensevelit sous des tonnes de bien-pensance, de joliesse et de rapports père-fille cromignons, et franchement on y perd.
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Reste une séquence magnifique, qui nous fait retrouver le grand cinéaste d'action qu'on aime : une scène diaboliquement pensée où mes héros sont suspendus dans le vide à bord d'un car lui-même traîné par une voiture qui glisse dans la boue, le tout harcelé par des tyrannosaures guère amènes. Spielberg arrive à gérer de front ce grand barnum composé de plusieurs dangers, tout en ménageant à l'intérieur de l'action de tout petits détails très spectaculaires : une vitre qui se craquelle sous les doigts de Julianne Moore, dernier rempart contre la falaise, un câble pas assez long de quelques centimètres... Une mise en scène magnifique, là, pendant quelques minutes,où Spielberg renoue avec son goût pour "l'action enchâssée dans l'action" (je me comprends, et je vous explique sur simple demande par courrier). Même au cœur des funestes 90's, même au service d'un produit commercial et formaté, Steven reste à ses heures un excellent metteur en scène. Dont acte.
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