Ce Plaisir qu'on dit charnel (Carnal Knowledge) (1971) de Mike Nichols

Il n'est point inintéressant de redécouvrir ce film de Mike Nichols (Mike Nichols ! pas le plus moderne des cinéastes des années 80 aux années 2000, faut le dire...) qui propose un portrait de la sexualité et du couple DU POINT DE VUE, indéniablement, des hommes... On ne parlait pas encore, sauf erreur, de male gaze, mais on y est en plein. Nicholson et Garfunkel, à trois différents âges de leur vie, vieux potes depuis l'université, parlent des femmes, couchent avec des femmes, se les échangent même parfois et surtout évoquent leur désillusions avec icelles. Si leur maladresse des débuts et leur exaltation sont assez touchantes, le pathétisme gagne irrémédiablement du terrain avec le temps jusqu'à flirter avec le ridicule...

La première partie, résolument la plus fraîche, nous montre ces deux couillons, ces deux ados sur le tard, faire leurs premières armes ; si Art débroussaille le terrain, Jack profite de la brèche et s'en va draguer, en tout opportunisme (puisqu'elle a "cédé" à Art, pourquoi lui résisterait-elle ?) la même donzelle, cette tendre Suzanne (Candice Bergen). Si mon gentil Garfunkel, tout gauche, tout débutant, doit gagner millimètre par millimètre chaque concession féminine sur le terrain sexuel (un baiser, puis deux, puis l'attouchement d'un sein, puis des deux...), Jack, un poil plus mature et sûr de lui, fait preuve d'une certaine aptitude pour aller droit au but et parvenir à ses fins... Une première expérience "partagée", sans que le gars Art soit franchement au courant des agissements de son compère, et une première expérience qui débouchera sur une première crise relationnelle entre Jack et la Suzanne : Jack, possessif, demande à la donzelle de rompre avec Art, un comportement quelque peu cavalier quand on sait qu'il a piqué la copine de son pote. Mais le ton est donné : après le premier temps des hésitations et des doutes, les premières expériences sexuelles qui nous donnent l'impression d'avoir touché le ciel en couchant avec une créature féminine déifiée (Jack plongeant tout habillé dans la piscine pour célébrer sa toute première fois, toute toute première fois), l'esprit rampant du mâle est déjà au rendez-vous : le désir de posséder supplante vite celui de simplement aimer...

Force est de reconnaître que nos deux amis, parallèlement, enchaineront les conquêtes (Jack à un rythme plus soutenu que l'Art, plus constant dans ses amours) et par là même, les échecs. Jack se révèlera plus possessif que jamais (cette pauvre Ann-Margret remisée entre quatre murs pour être toujours à la disposition de notre mufle jaloux), lorgnant le cas échant sur la compagne de Art : comme une sorte d'insatisfaction maladive et de concupiscence systématique ... Quant au gars Art, après l'exaltation ressentie avec sa première compagne, viendra le temps des plaintes et de la frustration... Son regain d'amour, sur la toute fin, pour une jeune femme de dix-huit ans, ne garantissant guère un véritable équilibre, à tout point de vue. Mais comparé à Jack, il fait figure de simple type pathétique. Nicholson (tout jeunot et déjà très talentueux) endosse dans la dernière partie un rôle finalement encore plus horrible que dans Shining (si, c'est possible) : son montage de diapos sur les (ex-)femmes de sa vie, est d'une goujaterie sans fond, un défilé et des commentaires qui parviendront même à écœurer Art ; une sexualité en ce début des seventies certes débridée mais qui illustre surtout un certain malaise chez ce mâle dominateur perpétuellement insatisfait et critique - un portrait où l'esprit des hommes apparaît indéniablement plus réducteur que véritablement séducteur. Un film qui n'a pas tant vieilli que cela, au final, tant il illustre parfaitement le caractère guère reluisant de ce mâle vintage (and so on...) envers le beau sexe. 

Comments

[seventies Mitch]

Vu en lousdé ce film interdit aux moins de 18 an... et je les avais pas.
Bon... "Male gaze" ? Mwé... Pas si sûr.
Car tout y est drôlement acerbe, non ? Assez désenchanté et plutôt amer.
ça crache dur sur le mâle Amerloque de base, blanc, diplômé, hétéro, imbu de ses performances. Font pitié, ces gars, non? Moi, je trouve.
Même si Mike Nichols et Jules Feiffer sont, a priori, des hommes, je trouve leur regard sur les femmes pas si male gaze que vous paraissez le dire.
Et la fin... brrr. Ils donnent pas envie, le Sandy et le Jack.