Buffalo Bill et les Indiens (Buffalo Bill and the Indians, or Sitting Bull's History Lesson) de Robert Altman - 1976
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Arf bien mal-aimable, ce film de Robert Altman, qui développe tous les défauts du maître (le rythme, les enfants, le rythme !) et ne donne pas l'occasion de voir ses qualités. Le bon Bob veut ici critiquer l'avènement du tout-spectacle dans l'Amérique volontiers révisionniste de son temps, et s'appuie pour ce faire sur un des pionniers du show-business : William Cody, aka Buffalo Bill, gérant du Wild West Show, une entreprise de réécriture complète de l'Histoire récente de la colonisation américaine et de la destruction du peuple indien. Son spectacle haut en couleurs tendait à montrer une nation blanche en lutte contre les sauvages, héroïque et sans tâche, quitte à occulter toute la partie la plus basse de cette période, les massacres, le vol des territoires, les exactions, le génocide indien. Autant dire que le personnage, éminemment trumpien au demeurant, est tout sauf sympathique. Et c'est bien un peu là que le bât commence à blesser dans cette reconstitution des hauts faits de notre bonhomme : Altman n'aime pas son personnage, et n'aime aucunement non plus la myriade de seconds rôles qui l'entourent. Le film se fait ainsi violemment agressif envers ses personnages, et finit par ressembler à un film cynique, l'humour acide développé ici ajoutant encore à la gêne.
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Comme souvent chez Altman, le film est choral, brassant maints personnages pour brosser le portrait, en un lieu unique, d'une communauté autour d'un même but : donner de l'Histoire une vision héroïque, fabriquer du mensonge. On est ici à un des moments importants de la troupe, celui où Cody a réussi à convaincre ni plus ni moins que le légendaire Sitting Bull de se joindre au show. L'arrivée de l'Indien dans le grand barnum est l'occasion d'enfoncer le clou du cynisme de Buffalo Bill, qui réécrit entièrement l'épisode de la reddition de Sitting Bull, avec l'assentiment intéressé de celui-ci d'ailleurs. C'est bien simple : tout le monde ici, est guidé par la seule cupidité, par le succès du spectacle, et tant pis si pour ce faire il faut y aller un peu fort de la concession. Au milieu des metteurs en scène putassiers, des faux Indiens et des producteurs véreux, seuls deux personnages attirent un peu de lumière : Annie Oakley (Geraldine Chaplin) et son mari, les seuls à être un peu sincères dans leur goût pour le divertissement. A côté d'eux, tous affichent une cupidité sans scrupule, des Indiens monnayant le moindre détail de leurs prestations au président américain, gros homme satisfait et stupide. A la tête de tout ça, Altman choisit un des acteurs les plus bankables du moment pour interpréter Buffalo Bill : Paul Newman, montré ici comme un minable à la tête d'un show un peu ringard et réac.
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Non seulement le scénar est un peu gênant dans la posture qu'il prend avec ses personnages, dans le discours amer qu'il imprègne au film, mais la mise en scène très distancée d'Altman n'ajoute pas à l'intérêt de la chose. Filmé en plans trop éloignés, sûrement pour mettre en valeur les beaux décors et l'aspect choral de l'histoire, il met à distance le spectateur par rapport à ces personnages, qui prennent l'aspect de fourmis. Un comble d'avoir appelé quelques fines pointures du jeu (Newman, Lancaster, Chaplin, Keitel) pour les filmer ainsi avec distance, perdus dans les décors clinquants. Comme les voix sont mixées très "en avant", on ne sait jamais trop où on est, qui parle à qui, et comme en plus la construction dramaturgique est complètement absente du scénario, on se retrouve à regarder le film comme une succession de vignettes, comme un livre d'images platounet. Jamais en empathie avec les personnages, toujours dans une posture d'entomologiste critique, on regarde ce beau livre d'images sans éprouver grand-chose, assommé par le rythme atone et par l'absence d'événements, enseveli sous la cruauté sans air de ce qui nous est raconté.
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