Lumière ! L'Aventure continue ! (2025) de Thierry Frémaux
/image%2F0405316%2F20250414%2Fob_98112c_0b4d12baf5854235735d446efe4a6975.jpg)
Avec un petit décalage de cent-quarante ans, il est appréciable de découvrir sur grand écran cent-vingt "vues" d'une cinquantaine de secondes signées des frères Lumière (enfin surtout un) ou de leurs opérateurs dûment formés. Découvrir ou re-découvrir ces vues dans l'enceinte du fameux Louxor à Paris a quand même un petit côté magique appréciable (en plus, si jamais vous en sortez à demi-satisfait, de bien bonnes gens, juste à la sortie de ce sympathique métro Barbès, sauront toujours avoir l'amabilité de vous offrir de la cocaïne et autres plaisirs passagers... oups pardon, je m'égare déjà). Je ne vais pas dire que je fus absolument estomaqué par ces multiples plans, mais j'en suis tout de même sorti avec la satisfaction (renouvelée) de voir qu'il y avait déjà chez les créateurs-mêmes du cinéma (fi des polémiques, ce sont eux les créateurs, point) une certaine vision, une certaine considération esthétique de ce nouvel art des plus charmants : rigueur absolue des cadre, intelligence de la profondeur de champ (partie sur laquelle Frémaux a tout loisir d'insister), sens du timing (cinquante secondes, c'est à la fois rien, mais cela peut aussi suffire pour capter tout un monde, toute une époque), finesse des légères contre-plongées, il serait en effet absurde de cantonner les Lumière à la simple valeur "documentaire" de ces vues - il y a déjà de la recherche et de la réflexion en amont dans la plupart des ces prises de vue, en tout cas plus que dans tout un film d'Oteniente - oui, de rien, en effet.
/image%2F0405316%2F20250414%2Fob_32d553_3cb3xaiu5nhwvlspvhcrr4xx7q.jpg)
J'aurais bien voulu avoir l'ami Bastien à mes côtés car les deux dernières vues de cette œuvre sont des inédits (dont un magnifique "plan large" qui renvoie le Cinémascope à ses études) sur l'exposition universelle de 1900, exposition dont il est le grand spécialiste ; il y a une vue prise sur ce fameux "tapis roulant" (qui faisait alors le tour de l'exposition) qui lui ferait, je pense, chaud au cœur. Ce qui me permet d'ailleurs de faire la transition avec justement ces bien jolies "vues", celles de ports célèbres ou de Venise, qui sont filmées depuis un bateau lui-même en mouvement (c'est plus que magnifique, c'est quantique...) ; il y a indéniablement toute la magie opératrice du cinéma dans ces plans-là, cet art de la "captation du mouvement" déjà en mouvement. Bon, Frémaux est souvent un peu extatique devant certaines vues (ouah, c'est extraordinaire, ouah c'est sublime ! Waouh, tu vas te calmer, c'est pas parce que tu t'es tapé tous les films de Ken Loach et Mike Leigh que le moindre plan des Lumière est réussi...), citant au besoin toute une série de cinéastes (Ozu, Pialat, Akerman...) pour montrer l'influence indéniable des Lumière sur les futurs génies du cinoche ; mais cet enthousiasme absolu conjugué à certaines petites pointes d'humour bienvenues d'un Frémaux commentateur inspiré (tu invites quand tu veux Shangols au Festival de Cannes, mon vieux) nous fait gober ces cents minutes de métrage avec la même facilité qu'un œuf dur sans coquille. Truculence de certaines séquences (cette troupe d'acrobates est impayable), dépaysement absolu de certaines prises de vue - en particulier dans NOS colonies (n'avaient pas l'air très épanouis nos amis colonisés... même pas foutus de sourire à la caméra en sortant de l'usine...), fragilité gracieuse de ces enfants pris sur le vif, ce petit retour aux sources s'avère absolument régénérant. Point d'orgasme mais liesse, tout de même.
/image%2F0405316%2F20250414%2Fob_71d35c_f8913e693d7249dccd191bde7ed573a5.jpg)