La Baie de Tokyo (Hidari kiki no sogeki-sha : Tôkyô wan) (1962) de Yoshitarô Nomura

On a toujours eu un petit faible pour Nomura et avouons que dès le générique de ce polar on est totalement emballé : avec une fluidité remarquable, il enchaîne un maximum de plans qui s'enclenchent parfaitement les uns avec les autres et on assiste en quatre minutes chrono à la fois à l'exposition de l'organisation parfaitement huilée du trafic de drogue (par voie fluviale) et à un premier meurtre spectaculaire - meurtre qui servira de point de départ du film. On est scotché par ce début en trombe et même si l'allure ralentira quelque peu par la suite, on ne peut que rester ébaubi par cette ouverture.

Nomura, ici, se place parfaitement dans la lignée du film noir - ce genre reste lié à la seconde guerre mondiale (même si certains films précédemment réalisés ont été ensuite rattachés au genre) et deux des personnages principaux sont d'anciens soldats quelque peu "revenus de tout"... Le quidam, assassiné en ouverture, découvrira-t-on rapidement, n'est autre qu'un flic infiltré parmi les dealers ; douleur et rancœur au sein des flics qui enquêtaient depuis un certain temps sur le milieu ; outre le démantèlement de réseau, la question est : qui est le tueur ? Deux flics, un jeune au taquet et un vieux de la vieille (ancien soldat), vont enchaîner les enquêtes, les filatures, les interrogatoires pour remonter la piste de ce tueur apparemment "gaucher"... Notre ancien soldat croisera en cours de route un ancien de l'armée (petit flash-back relativement violent pour découvrir les liens qui les lient) qui a connu bien des déboires depuis la fin de la guerre... Le problème qui appert bientôt est le suivant : cet ancien soldat, tireur d'élite, qui plus est gaucher, ne serait-il pas le fameux tueur tant recherché ? Notre flic est-il du genre à faiblir en souvenir de ce passé si traumatisant ou n'a-t-il dorénavant qu'un maître : le respect de la loi ?

On est dans du noir pur et dur ; ce n'est finalement pas tant l'enquête en elle-même - avec son lot de lieux sordides, de seconds couteaux à tronches inquiétantes, de petites pépés plus ou moins finaudes, de déambulements nocturnes, de course-poursuites (...) - qui va nous impressionner ici : tout cela est bien mené, tendu à souhait (le jeune flic est en plus amoureux de la sœur du vieux flic, ce qui est loin d'arrondir les angles entre eux), plein de suspense. C'est surtout cette relation complexe entre les deux anciens soldats qui va donner tout son sel à ce noir acide. Amitié, trahison, solidarité, coup de Jarnac ? Jusqu'au bout, on ne sait trop sur quel pied danser et le final sera, les petits gars, à la mesure de notre attente. Soldat un jour, soldat toujours, à la vie, à la mort. Très bon noir de Jean-Louis Nomura.