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15 avril 2025

Adieu d'Arnaud des Pallières - 2004

Il manquait un long-métrage de des Pallières à notre odyssée informelle, et c'était un de ses plus beaux films. Fidèle à son mystère presque religieux, le réalisateur offre un film étrange, à la frontière entre documentaire et fiction, expérimental et fou mais tenu dans une rigueur janséniste. On a du mal à définir exactement ce qu'Adieu raconte, mais on sait qu'il en reste une émotion durable, une tristesse latente et doucereuse qui vaut dix fois mieux que les discours. L'atmosphère lente, mélancolique, douloureuse véhiculée par le film vous pénètre durablement par tous les orifices, et vous laisse tout chose, alors même que le film échappe en partie à votre entendement. C'est le charme envoutant du montage, de la musique géniale de Martin Wheeler, des acteurs atones et habités, de la mise en scène à la fois immergée dans les situations et légèrement distante, qui est responsable de cette magie ; mais aussi le texte magnifique du film, souvent en voix-off, et qui rappelle, après Disneyland mon vieux pays natal, le génie de des Pallières pour poétiser le réel avec le son et les mots.

On a, disons, 3 axes à se mettre sous les yeux : la fabrication et la mise en service de gros camions routiers, depuis l'usine jusqu'aux routes de campagne ; un immigré algérien fuyant son pays pour atterrir en France et écrivant à sa file l'histoire biblique de Jonas ; une famille réunie autour de la mort d'un des fils. Un documentaire pur, un semi-documentaire, une fiction, qui ne se rencontreront presque pas, et qui dessinent chacun avec leur style une image négative et un peu anxiogène de la société. Il y a  en effet dans les glissements lents et inhumain de ces camions, dans cette voix mélancolique qui raconte l'histoire éternelle de celui qui a  voulu désobéir à Dieu et dans l'absence de communication de cette smala ravagée par la mort quelque chose de tragique, de morbide, sans qu'on sache exactement d'où vient cette impression. La thématique pourrait être l'exil, la route, celle qu'on prend ou qu'on refuse de prendre : si l’Algérien se retire dans son récit biblique, sans chercher à se mêler aux Français, cette famille rurale vit en complet repli sur elle-même, sans contact avec l'extérieur et les autres. Elle rejette même l'autre, dans une scène terrible où les fils mettent en doute la foi du curé, le questionnant sur les preuves de l'existence de Dieu. Chaque membre de cette famille vit pour lui-même, sans mêler sa vie à celles des autres, trainant son secret sans rien partager (le père mutique, l'aîné gardant ses amours secrètes, le plus jeune trainant sa dépression sans arriver à la communiquer).

Une conception philosophique, métaphysique, mène donc ce film. Pourtant il n'est pas cérébral, austère, intello ; il est au contraire purement sensoriel, comme tout le cinéma de des Pallières. Il trouve ce Graal grâce à sa direction d'acteurs entre autres : ce sont des (petites) stars, certes, mais ils sont utilisés en tant que corps, que présence physique plutôt que comme comédiens. Gourmet, Lucas, Lonsdale, Clément et surtout l’étonnant Axel Bougoussalvsky sont de vrais présences étranges, des fantômes "de chair et d'os", et renvoient par leur simple présence à une sorte d'univers à la Bernanos, où la question de l'existence de Dieu est incarnée dans les corps. Certes, c'est austère et très sérieux , ça peut rappeler les vieux films de Dreyer ou de Sharunas Bartas, et si vous aimez Artus, il faudra peut-être faire l'impasse ; mais si vous cherchez une vraie proposition de cinéma, unique, poignante, dérangeante, foncez, les enfants.

 

Commentaires
S
Il y a trois ans cinq mois et dix jours je vous demandais ce que vous pensiez de cet Adieu (en commentaire du Disney by Des Pallières). Avec Shangols comme avec Dieu il faut savoir être patient : prière exaucée. Et puis mon cœur de balance plus, c'est effectivement un grand film.
Répondre
S
* ne balance plus
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