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Shangols
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11 mars 2025

Un parfait Inconnu (A Complete Unknown) de James Mangold - 2025

En vrai dylanophile, je me suis mêlé avec joie à la horde des autres, ceux qui n'y connaissent rien, pour découvrir ce biopic sur mon idole, bien que méfiant par rapport aux noms du réalisateur (Mangold a déjà fait une bio de Johnny Cash qui a tout de l'antique) et de l'acteur (ce Chalamet a une tête à gifles). Bien m'en a pris ; je ressors tout enthousiasmé par la chose, avec le sentiment d'avoir plongé véritablement au cœur des années 60 en deux temps trois mouvements, d'avoir côtoyé de près Dylan et d'avoir découvert en même temps que ses contemporains ces chansons pourtant connues par cœur. Mangold est pourtant toujours aussi académique, et manque à plusieurs reprises de foirer son film, avec ces reconstituions forcées et ce suspense à tout prix sur des détails qui n'en valent guère la peine (ici, tout le dernier tiers repose sur la question : Dylan va-t-il passer au rock et délaisser la folk lors de ce concert ? On connaît plus captivant, d'autant qu'on connait la réponse). Mais sa paresse de mise en scène n'arrive pas à rendre le film mauvais : on est vraiment captivé par ce qu'on nous raconte. Peut-être parce que l'écriture, intelligente, dynamique, parvient à restituer toute cette époque avec brio : ces "hobos" à guitare et cheveux sales qui pondent trois chefs-d’œuvre par nuit dans leurs chambres de bonne, ces morceaux capables de soulever tout un peuple à la première écoute, ces stars de la musique hautes en couleurs, ces bars de nuit où se créent les légendes, tout ça est rendu avec talent, avec un excellent sens de la construction du récit, et un bel équilibre entre moments forts et moments plus intimes. Le film ne s'intéresse qu'à une poignée d'années dans la carrière de Dylan, ses débuts et son ascension fulgurante jusqu'au fameux concert où il est passé à l'électrique, mais ça suffit pour occuper pleinement ces 2h30.

Ses amours avec Joan Baez (la belle Monica Barbarao), son admiration pour Woody Guthrie, son amitié avec Pete Seeger (excellent Edward Norton en représentant de l'ancien monde malgré lui, gentiment ringard et pourtant très attachant), sa relation chaotique avec Sylvie (personnage fictif, joué par Elle Fanning), la création des chansons mythiques, les concerts, le caractère de merde, le succès difficile à gérer : bref, la matière première de toutes les biographies depuis toujours, mais ici dopée par le personnage de Dylan, fascinant. On sent un soin constant à rendre tout ça véridique, du plus petit costume aux micro-détails de décor ; mais rien ne serait aussi authentique sans la présence extraordinaire de Timothée Chalamet dans le rôle : il est génial, incarnant pleinement le chanteur en deux secondes chrono. On oublie complètement l'acteur, et on a l'impression de vivre avec Dylan lui-même, jusque dans ses chansons : c'est Chalamet qui chante les tubes de Dylan, et c'est bluffant, d'une justesse impeccable et dans l'esprit originel. Sa diction entre les dents, sa dégaine, ses regards par en-dessous, tout est millimétré, mais sans que ça sente le travail. On dirait ces vieux acteurs américains adeptes de la Méthode.

Mangold semble vraiment aimer non seulement Dylan mais cette période, et raconte avec gourmandise les mille anecdotes autour de l'avènement de l'idole. Même si le film triche peut-être plus souvent qu'à son tour avec la vérité, dopant des détails qui n'ont certainement pas dû être aussi spectaculaires à l'époque, il n'en reste pas moins un vibrant documentaire sur ces temps bénis, et surtout un film intense su la jeunesse et sur la création. Il fait éprouver concrètement ce que c'est d'être jeune, de créer des chansons, d'aimer des femmes, d'avoir du succès, de posséder le don. Il fait aussi comprendre en quoi les chansons de Dylan ont un peu fait changer le monde, en quoi les êtres qui l'ont côtoyé ont pu être changés à jamais. "The Times they are a-changin" ou "Masters of war" n'ont jamais sonné aussi actuel, et A Complete Unknown a aussi ce talent-là ; celui de nous donner l'impression, quelques heures durant, d'être contemporain de cette société en pleine mutation, d'être témoin direct de l'avènement d'un génie... tout en conservant soigneusement son mystère. Dylan demeure toujours aussi opaque, Mangold ne cherche pas à résoudre quoi que ce soit, et c'est tout à sa gloire. Une magnifique réussite. (Gols 06/02/25)

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Gols fut charmé, je le fus à mon tour (mais à quand un biopic sur Marillion ? c'est bon, ça va...), Mangold trouvant l'angle parfait pour aborder son sujet : il donne le premier rôle aux chansons mêmes de Dylan (souvent en intégralité, la traduction rigoureuse permettant d'en apprécier toute la poésie et la portée), réussissant ce que doit être toute bonne comédie musicale (j'en ai écrit un paquet (deux), je sais de quoi je parle...) : ce sont les chansons, elles-mêmes, qui donnent l'impression de faire avancer l'action. Pas besoin de longs discours, de longues théories, d'anecdotes improbables à la con, la façon dont les chansons s'enchainent permet parfaitement de plonger dans l'évolution du chanteur sans qu'il soit nécessaire d'en dire plus : l'ère des reprises, l'ère des chansons plus personnelles sur la perte, l'absence, l'ère des chansons plus engagées sur la société, l'ère des chansons sur l'évolution peu rassurante de cette guerre froide, l'ère plus électrique où l'on sort les guitouses et on s'entoure d'une foultitude de musicos pêchus... Pas la peine d'en faire des tonnes, Mangold nous montre à quel point tout ce que fait Dylan, musicalement, se transforme en or, comment en ce début des années 60 le gars Bob parvient à s'envoler toujours plus haut : les chansons sont là, les chansons sont belles, tout semble d'une évidence qui se passe d'analyses farfelues. Chalamet is Dylan, Dylan is Dylan, les chansons pures de Dylan sont du pur Dylan, Dylan et Joan baisent, Dylan est avec Johnny Cash. Mangold surfe avec intelligence sur les qualités de songwriter du gars, sans nous servir pour autant des clips, en laissant simplement tout le champ aux paroles : c'est amplement suffisant pour notre joie - même ma fille a trouvé cela épatant, elle avait pas le choix, c'était sinon une taloche.

Mangold, tout de même, derrière cet homme-mythe, n'hésite pas à égratigner quelque peu la légende : fidélité dans les chaussettes, sens de l'opportunisme musical (il pique à Guthrie ou à Cash ce qui lui convient, parvenant ainsi à s'imposer dans un domaine tout en arrivant à évoluer ensuite avec l'air du temps which are a-changin), caractère de petit connard égoïste au besoin : pas la peine, là non plus, d'en faire des tonnes pour évoquer le côté un peu fourbe du gars dont les désirs amoureux ou musicaux semblent plus guidés par ses soudaines envies que par de réelles convictions. Au final, si la mise en scène peut paraître en effet un peu trop lisse, Mangold évite les principaux pièges du biopic (faire de chaque petit acte de la vie quotidienne un manifeste, la reconstitution à outrance : un type mal peigné, une guitare, un air las et hop c'est dans la boîte) et livre une tranche de vie de la star qui nous fait ressentir toute une époque, principalement en chansons (et quelles chansons, tout de même) ; ce n'est pas rien et on applaudit à deux mains ce sens inimitable du phrasé, de cette foudroyante poésie ancrée en son temps, de cet éternel Nobel rebelle.  (Shang - 11/03/25)

 

Commentaires
L
« Dylan et Joan baisent »<br /> <br /> Enorme. Pour ça que je vous aime, les zigs.<br /> <br /> (Et pas que.)<br /> <br /> Bring on the 5 mill 💪
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