Spectateurs ! d'Arnaud Desplechin - 2025
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Desplechin n'est bon qu'une fois sur deux, et son dernier film était mauvais comme tout. Vu donc la loi des chiffres et l'intérêt de la thématique, on pouvait s'attendre à un trésor avec ce Spectateurs ! qui se propose ni plus ni moins que de retracer l'histoire du spectateur de cinéma, tout en tricotant une autobiographie en amoureux du 7ème art. Voici donc un objet hybride, entre essai, fiction, hommage aux maîtres qui l'ont marqué, documentaire historique et souvenirs personnels. A trop vouloir taquiner trop de goujons, Desplechin rate complètement sa cible. Pas du tout tenu au niveau de la construction, flou dans ses objectifs, le film erre entre différents styles, sans jamais parvenir à se fixer. On a des notations historiques (un peu convenues, entre les frères Lumière et Muybridge), on a des saynètes jouées par des jeunes acteurs (un peu convenues également, entre les amourettes autour de la séance des Petites Marguerites et les souvenirs traumatiques de Spellbound), on a des explications théoriques pointues (plus intéressantes, notamment la thèse menée par Micha Lescot sur l'évolution du spectateur depuis le théâtre antique), on a des digressions sur les films aimés (longue séquence sur Shoah, qui, franchement, n'a rien à faire là), on a des rencontres avec des potes (Kent Jones qui ne sait pas trop quoi dire, et qui nous balance un cliché sur La Horde sauvage), on a moult extraits de films (fort bien choisis, et de bon goût) pour nous prouver... on ne sait quoi, le tout raconté par une voix off à la mélancolie anachronique. Bref, c'est un gros gros bordel. On dirait que Desplechin a voulu tout mettre dans son film, incapable de cerner son sujet. Mais du coup tout est un peu raté, chaque séquence prise en elle-même ne mène nulle part.
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Même quand il aborde ses films les plus aimés (Les 400 coups sur la fin), c'est pour en livrer une lecture enthousiaste du générique de début (!), mais peu pertinente, et dont il ne parvient pas à transmettre l'émotion. On s'ennuie beaucoup, c'est sérieux comme un pape, et un soupçon de ringardisme nous vient aussi face aux références surfaites du bougre : Truffaut, Hitchcock, Bergman, Coppola, Murnau, on se croirait chez Shangols dans la cinémathèque d'un papy, pas chez un cinéaste censé nous ébaubir par sa curiosité. Dans ses petites scènes autobiographiques, on songe forcément à The Fabelmans de Spielberg, chef-d’œuvre sur l'expérience du cinéma et ses liens avec la vie plus que "film sur le cinéma", et ce n'est malheureusement pas à l'avantage de Desplechin. Le cinéma y est réduit à quelques fétiches un peu usés, à de la théorie froide, ou à deux-trois lapalissades vues partout ailleurs. Le cinéaste, qui sait être si intense, passe à côté d'un film qui semblait fait pour lui.
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