Rue du Conservatoire de Valérie Donzelli - 2024
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J'aime tellement les films sur les écoles de théâtre que je suis prêt à dire du bien de Francis Girod pour peu qu'il en fasse un. Je me suis donc précipité le cœur battant sur ce documentaire de la sensible Valérie Donzelli, à laquelle rien ne va mieux que les tout petits films artisanaux et à moitié improvisés. Forte de son échec à intégrer le prestigieux Conservatoire de Paris à l'époque, elle s'y introduit la cinquantaine venue par le biais de son boulot de cinéaste, pour filmer une promo dans les dernières semaines de ses études. Sous l'égide de la fougueuse Clémence, la petite troupe des élèves se réunit pour monter Hamlet, dans un geste à la fois hyper naïf (c'est la pièce la plus jouée au monde, et une des plus complexes) et insolent. La metteuse en scène a en effet une vision toute personnelle du drame de Shakespeare, son Hamlet mourant à la moitié de la pièce et se faisant remplacer par Ophélie. Une sorte de relecture trans-genre, quoi, que la jeune femme aborde avec la crainte d'en faire trop mais la conviction qu'elle a des choses à dire là-dessus. Le film, relativement classiquement, est l'enregistrement des répétitions, les coups de mou, les enthousiasmes, les moments de complicité, les doutes, les fatigues, les accidents (les perches de projecteurs qui trainent, la plaie des comédiens...), le succès final, le tout sur fond de fin de quelque chose : après la pièce, ces jeunes gens devront se séparer, quitter le cocon rassurant du Conservatoire (beau personnage que cette directrice bienveillante, Claire Lasne Darcueil), et plonger dans le grand inconnu de la vie d'artiste.
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Energie de la jeunesse, nostalgie d'un âge qui s'éteint, urgence et fougue : tout ce que j'aime à priori. Vous me trouvez donc bien marri, puisque ce docu m'a laissé un peu froid. C'est la place que s'est trouvée Donzelli qui m'a dérangée, je pense : elle est dans une posture à mi-chemin entre d'un côté la discrétion bienveillante, la petite souris qui s'introduit modestement au milieu du travail qui reconnait son peu de connaissance du théâtre, qui est en sincère admiration vis-à-vis de cette jeunesse qui se donne corps et âme à l'instant présent, au texte, à sa metteuse en scène ; et d'un autre côté une omniprésence un peu forcée de son personnage, qui mêle à ce récit des images personnelles, qui ne se fait jamais oublier, et qui impose sa présence, par des lettres lues, par des images de son passé, par un retour sur elle-même un brin narcissique. Donzelli n'a pas trouvé réellement sa place, quoi, et du coup, le film, déséquilibré, sans direction, se cherche un peu. L'émotion passe à côté, peut-être aussi à cause de cette Clémence, pas très sympathique ; mais surtout à cause de l'incapacité de Donzelli à rendre compte des sentiments qui traversent ces jeunes gens. Ils les décrivent, certes, mais la caméra ne les rend pas. Par moments, ça marche : quand elle filme une comédienne à l'instant où elle va rentrer dans la lumière, moment magique s'il en est ; quand Clémence trouve enfin une idée qui transforme tout et qu'un sourire illumine son visage ; quand elle interviewe les élèves, et que chacun y va de sa vision du métier ; quand la troupe se rend compte qu'une idée un peu barrée qu'ils ont eue est accréditée par le public. Mais la plupart du temps, le projet est trop flou, l'émotion absente, le film bordélique et un petit peu vaniteux. Mauvaise posture.
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