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21 janvier 2025

LIVRE : Bristol de Jean Echenoz - 2025

Vous avez face à vous un non-échenozien de base, qui a toujours trouvé ses livres au mieux pas mal, au pire superficiels. Je m'accroche pourtant, et vois dans cet opus 2025 le retour de l'écrivain que j'aime plutôt bien : Bristol est plaisant, développant un humour bon-enfant très agréable et nous perdant dans sa trame improbable avec un vrai bonheur. Echenoz nous propose un jeu de l'esprit, une récréation sans grande envergure mais avec une vraie ambition littéraire, un de ces divertissements grand crin comme a pu le créer un Chevillard par exemple (auquel on pense souvent dans son maniement de la langue savante et dans sa tournure d'esprit absurde). Le roman pose une situation à la première phrase (un homme sort de chez lui au moment précis où un corps vient s'écraser à côté de lui), puis tire sur le fil, presque au hasard dirait-on, presque en improvisant, en regardant l'histoire se dérouler sans intervention de l'auteur, regardant où nous entraine ce postulat de départ. Un peu à la manière d'un "Et si...?" : et si notre homme était un cinéaste ? et s'il allait tourner en Afrique ? et si le tournage devenait un cauchemar ? et si... ? Echenoz laisse en quelque sorte la trame le prendre de court, le surprendre, nous emmenant assez loin dans le "marabout-bout de ficelle".

 

C'est en tout cas tout le talent de cet auteur que de nous faire croire à l'absence de main-mise de l'écrivain sur sa création. Difficile de prévoir ce qui va advenir trois phrases plus loin. Très agréablement, le roman est sans arrêt surprenant, renouant avec un plaisir de la trame, du feuilleton presque alors même qu'on est dans une histoire complètement absurde aux enjeux sans importance. Bien sûr, tout cela n'est qu'un leurre : on sent derrière le jeu une totale maîtrise de l'outil littéraire. La trame n'est effectivement pas importante du tout (difficile d'ailleurs de la résumer) : seul compte le style, la façon habile qu'a Echenoz de nous égarer dans des phrases sophistiquées, au vocabulaire riche (j'ajoute le beau "rubigineux" à mon vocabulaire), à l'érudition taquine. Ce côté savant n'enlève rien à la fluidité du roman, qui se lit très vite, très facilement. Et un sourire au coin des lèvres devant ces petites inventions, cette façon de tirer une idée jusqu'au bout pour savoir ce qu'elle va devenir, devant surtout ce petit personnage à la Sempé très joliment dessiné. Satisfecit. (Gols 18/01/25)

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Comme vous avez face à vous un échenozien averti et converti (je pense avoir été le seul à acheter son Cahier de l'Herne, c'est vous dire... oui, bon, certes, je ne l'ai pas encore lu, mais ça va venir), je ne peux que me réjouir de la chronique de mon camarade et de ce dernier opus très facétieux. Un homme nu  se défenestre du cinquième étage, il tombe à quelques mètres de notre héros éponyme, mais il s'en fiche, Bristol : perdu qu'il est dans ses pensées, il continue mine de rien son chemin ; il sera en effet question ici de la préparation et du tournage (catastrophique) d'un film (le premier plan séquence digne d'un James Bond de pacotille envoyait pourtant du bois et de l’éléphant), des amourettes de notre cinéaste raté, de ses démêlés avec la police, ou encore de ses rencontres des plus surprenantes (dont un chef-milicien africain ou un chauffeur, deux personnages hauts en couleurs). Oui, c'est vrai que la trame importe peu, mais on a droit tout de même à notre petite enquête policière (qui retombera, si l'on suit bien, sur ses pieds) et a un récit quelque peu échevelé de la fuite en avant de Bristol : s'il rate un peu tout ce qu'il entreprend, sa façon de se laisser porter par le vent, par les circonstances, par son feeling, n'ont de cesse de nous le rendre sympathique ; un problème en vue ? Il l'esquive, ou fait simplement avec pour que cela n'en soit plus un. Il est souple, Bristol... Mais bien sûr, là où Echenoz régale, c'est dans cet humour qui nous prend toujours de court (avec ces multiples situations qui partent en cacahuètes), dans ces jeux constants avec les mots (plus les mots sont improbables, plus il parvient à les glisser au détour d'une petite phrase nonchalante), dans ce sens incongru des détails (plusieurs pages sur une mouche qui se glisse subrepticement dans ce récit - on se croirait dans un épisode de Breaking Bad), dans ce dessin de personnages dont les décisions, les amours ou les goûts ne sont jamais prévisibles (tel ce milicien africain fan de cinoche allemand des seventies, telle cette voisine qui fut une comédienne moyenne en son temps mais à laquelle succombent la plupart des hommes - elle en a gardé sous la pédale, la finaude, au niveau du charme). On rit quasiment à chaque page (d'un petit rire complice) devant les méandres improbables pris par cette histoire, devant les petites annotations caustiques d'un Echenoz effectivement en grande forme "fictive et formelle". Doublement satisfied. (Shang 21/01/25)

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