King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack - 1933
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Toujours un plaisir de revoir un de ces vieux classiques de l'épouvante, surtout quand celui-ci se teinte, en plus de son côté fun et spectaculaire, d'un fond sentimental inattendu. Voici donc la première apparition du gros singe poilu devant les yeux effarés du spectateur, et, ça va de soi, la meilleure, tant il est prouvé que les premières fois sont toujours merveilleuses. Cooper et Schoedask inventent devant nous un mythe, un des seuls issus directement du cinéma (même si le film semble s'inspirer de quelques bouquins d'aventure de l'époque, Jules Verne entre autres). Et on sent qu'ils sentent qu'il y a là un truc important qui se joue : leur façon de retenir le plus longtemps possible l'entrée de Kong sur scène, faisant mine de faire monter le dangers d'ailleurs (une sombre peuplade africaine, voire une certaine prédation masculine qui s’organise autour de la gironde Fay Wray) est très habile, et permet de faire trépigner sur son siège en attendant The Beast. Et quand elle arrive, mazette, on est pas déçu : il y a assurément du génie dans la façon d'animer ce bout de pâte à modeler pour le rendre aussi vivant et effrayant. Les effets spéciaux sont spectaculaires, même si on oublie le fameux "pour l'époque" : à partir du moment où Kong est arrivé, c'est un véritable festival d'inventions. Kong qui se marave avec un dinosaure, Kong qui lutte contre un serpent ça-comme, Kong en bisbille avec un oiseau préhistorique aux dents acérées, les réalisateurs n'ont pas peur de surenchérir dans le feu d'artifice, et ils ont bien raison. Incroyable comme ils arrivent à rendre crédibles les choses, comment on adhère à cette histoire un peu con de gorille géant qui s'éprend d'une blonde hollywoodienne jusqu'au sacrifice.
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Car c'est bien sûr le fond de la chose : King Kong, c'est la passion (non réciproque) de la Bête pour la Belle. Kong est un monstre dangereux certes, mais il donnerait tout pour protéger sa poupée. Son visage rigolard et bienveillant quand il est pris en gros plan dément d'ailleurs son corps effrayant et ses gestes de psychopathe. La plus belle partie est bien sûr la dernière, celle où notre pauvre bête est amenée à New-York. La monstruosité change de camp, les hommes deviennent plus détestables que le gorille, et la fuite désespérée de Kong le long des rues et des façades d’immeubles, malgré son aspect létal pour les gens qu'il croise, a tout du geste d'amoureux total. Il emmène sa belle au sommet de l'Empire State Building comme d'autres les emmènent au 7ème ciel, usant de gestes d'une douceur effarante pour mettre la blonde vagissante à l'abri du danger. Comme le dit la dernière réplique du film, on ne sait pas trop qui des deux a dompté l'autre au final, et cette plus-value romantique chelou fait beaucoup pour le charme de cette intrigue : transformer un cauchemar en situation amoureuse. On ira pas jusqu'à qualifier le film d'érotique, mais il y a quelque chose de troublant à voir Fay se débattre à moitié dévêtue dans l'énorme main de Kong et parvenir à le faire obéir au doigt et à l’œil. Mais il y a à travers ce film quelque chose à aller chercher dans le fond de nos psychés, une terreur ancestrale en même temps qu'un appel de la sauvagerie (sexe, violence, liberté) : King Kong acquiert ainsi une très jolie poésie, et un trouble très agréable en plus du grand plaisir du divertissement.
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