Jean de Florette / Manon des Sources (1986) de Claude Berri
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Ah ces bonnes vieilles résurgences du cinéma français dit de "qualité" avec adaptation littéraire de "Grands Auteurs" (sacré Marcel) populaires et stars en tête de gondole. Mais bon, est-ce vraiment encore la peine d'évoquer ce petit cinéma de papa du gars Berri et d'en faire le procès, un cinéma plus de producteur que de réalisateur, à tout prendre ? Voilà presque quarante ans que cette mini fresque pagnolesque a déferlé sur nos écrans scolaires et que peut-on encore en dire ? Tout d'abord, parce que nous sommes avant tout plutôt défenseur du verre à moitié plein que du verre à moitié vide, avouons que la petite rénovation esthétique de la chose a redonné des couleurs aux joues du Papet et qu'elle rend avant tout grâce au travail soigneux de directeur de la photo de l'incontournable (alors) Bruno Nuytten : éclat solaire de cette Provence, intérieur éclairé aux cierges de saindoux, on ne pourra point reprocher au film d'avoir sombré dans une pâleur de vieux magazine. Tout comme on peut encore prendre un certain plaisir devant ces quelques mouvements exaltés de caméra suivant un Ugolin se déclarant à Manon dans la garrigue, ou filmant encore ce dernier avec un long travelling arrière lorsqu'il fait son ultime déclaration qui va littéralement droit dans le mur. Cela ne manque point d'un certain lyrisme exacerbé, un peu facile, oui, mais qui fait encore son petit effet...
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Bon ensuite, parce qu'il va bien falloir y venir, les acteurs... Claude Berri et les acteurs, j'en entends déjà rire... Eh bien oui, forcément, Depardieu, grandguignolesque as usual se lance dans son petit numéro de "citadin exalté bossu fan de lapins" qui laisse constamment un petit rictus aux coins des lèvres même si son "y'a personne là-haut !!!!" (que Gols mime à la perfection) est devenu en soi légendaire (cette gueulante vers le ciel filmée en contre-plongée... Dieu de Dieu, même ce dernier a dû se fendre) ; Auteuil, en mal de reconnaissance à cette époque, fait son petit numéro de pitre roux avec quelques emportements de fada en roue libre total - césar garanti ; quant à Montand, si ses petits airs plein de bonhommie de pomponnette du sud (ce faciès quasi asiatique quand il fait ses petites mines de joie, c'est pas rien...) lassent vite, il faut reconnaître que sur la toute fin, quand il se plaît à jouer les fantômes, avec sa morgue sèche, il est encore capable d'un certain charisme, de regards qui attendriraient mes propres chiens - flanchant, au seuil de la mort, ayant tout perdu, toute une vie de combat apparaît sur son visage défait et on veut bien lui concéder au moins cela... Tout le reste, les cigales, les vieilles discussions de village avec ce putain d'accent pointu et ces tournures patoises rigolotes (allez zou, tout de même !), ce scénario impossible d'un tragique tenace soutenu par cette force du destin verdiesque pimpante, l'apparition d'un Hippo dénaturé aussi incongru dans ce cinéma-là que Jean-Pierre Marielle dans un Bergman, ce n'est que du bonus entre images d'Epinal bouffonnes et goût pour le drame annoncé un rien sclérosé et surligné. Quand d'autres tentaient alors de dynamiter tant bien que mal ce French cinéma de l'intérieur (Carax, Beinex, Blier...), Berri nous livrait son œuvre la plus terre-à-terroir - de la diversité du cinéma français, oui, mais aussi de son éternel (mauvais) goût pour le livre d'images calibré. Passéiste déjà en quatre-vingt six. Berri, le roi du cahier des charges, la qualité scolaire où l'on revient bien à la ligne.
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