Mémoire d'un Escargot (Memoir of a Snail) (2024) de Adam Elliot
J'avais déjà goûté cet excellent Mary et Max du gars Elliot (au grand désarroi de Gols, qui, par rapport à ce nouvel opus, restera, à mon avis, une nouvelle fois dans sa coquille) et il revient ici en pleine forme !!! C'est toujours la même trame un rien caustique et déprimante (une mère qui meurt, puis le père, puis... putain, il va rester qui ?) que l'on retrouve ici avec cette histoire de jumeaux vite orphelins puis séparés (chacun à un bout de l'Australie, ce qui fait du chemin...) : Grace, la fille, se recroqueville sur elle-même, passionnée, bizarrement, qu'elle est pour les escargots... Gilbert, son frère, se retrouve dans une famille pour le moins sectaire et totalement starbée, passant ses journées à étiqueter des pommes. Deux solitudes, deux dépressions. Un gun ?
Mais non, allons, car tout comme dans Mary et Max, cette nouvelle œuvre en stop motion baigne dans la truculence, le gag subtil, l'originalité exacerbée... Certes, on assiste-là à de multiples drames personnels et autres tragédies (on passe un temps certain au crématorium, c'est un fait) ; certes notre héroïne a une certaine facilité à voguer de déception en déception et sa vie n'est pas rose tous les jours. Mais une nouvelle fois, Elliot sait toujours trouver le petit détail qui tue (rien que le titre des livres lus par l'ensemble du casting), celui qui fait mouche, pour passer de la morosité au petit rictus moqueur. Tout est finalement à l'image de cette famille azimutée, religieuse, folle, dictatoriale dans laquelle se retrouve ce pauvre Gilbert et qui passe son temps à réciter des prières en produisant un "blablablablablallllalalalalala" des plus grotesques - mais surtout des plus hilarants : c'est dans cette confrontation constante entre déprime et burlesque qu'Elliot trouve sa voie et parvient à faire marrer (concept qui avait totalement déplu à Gols... allant jusqu'à prendre comme référence Amélie Poulain - beurk). Elliot parvient également à inventer des personnages totalement imprévisibles et saugrenus (ce couple qui recueille Grace, obsédée par le libertinage et la nudité ; cette vieille Pinky qui prend Grace sous son aile et qui a eu une vie pour le moins agitée et délirante - se retrouver à jouer au ping-pong contre Fidel Castro, le top...) et saupoudre sa trame de petits événements absurdes qui détonnent et étonnent dans cette noire gabegie ambiante. Une façon d'évoquer frontalement le sentiment de solitude sans se vautrer dedans mais en essayant toujours de faire la part des choses, de voir l’éventuelle petite étincelle salvatrice (même quand cela tombe dans le ridicule) - point étonnant d'ailleurs que l'ami Gilbert se réfugie, lui, dans de multiples expérimentations où il joue avec le feu. Même si je concèderai volontiers à mon comparse que l'on voit arriver certains rebondissements (bien) à l'avance, je préfère baver tendrement devant cette nouvelle animation inspirée du gars Elliot que de la conspuer sur ces quelques facilités.