LIVRE : A la Rencontre d'Henry Miller d'Arthur Macua - 2024
C'est toujours un bonheur de constater que le bon vieux Miller fait des disciples y compris dans la jeune génération : Macua est dans la trentaine et il est incontestablement gagné par le virus. Et il a suffisamment de qualités d'écrivain pour parvenir à transmettre quelque chose de la joie qui traverse l’œuvre du maître : A la Rencontre d'Henry Miller est traversé par la joie, l'enthousiasme, l'admiration sans ambage, sentiments pertinents quand on découvre Sexus, Le Colosse de Maroussi ou Big Sur. Macua se fait prosélyte : il s'agit de faire lire Miller à tout le monde, de ne lire que Miller, de lire tout Miller. Il s'attelle donc à la biographie du gusse, exercice déjà effectué 210 fois et par des auteurs ayant à leur disposition un autre bagage documentaire que lui : il n'a même pas tout lu, et son récit de la vie de HM est très parcellaire, très superficiel. Mais il compense son manque de matière par un enthousiasme communicatif. On a envie à la sortie du livre de relire tout Miller, effectivement, tant Macua s'avère être un passionné, un fan invétéré.
Bien sûr, on ne saurait aborder le personnage sans parler de ses fameuses années parisiennes, de la rencontre avec June, de la liaison avec Nin, des amis, de la dèche, des années de vache maigre. Cette période occupe la majeure partie du livre, mais Macua ne s'arrête pas là. Les vrais grands livres, selon lui, sont plutôt ceux de la maturité, La Crucifixion en rose et Big Sur, même s'il ne cache pas sa passion pour Tropique du Capricorne ou Le Cauchemar climatisé. Dans la deuxième moitié du livre, après la partie forcément plus convenue de la période européenne, il s'attarde sur le Miller célèbre, retiré en Californie, et pondant chef-d’œuvre sur chef-d’œuvre dans sa maison austère et spartiate de Big Sur. Sa description de ces livres consolateurs, sages, lumineux, proches parfois d'un certain "développement personnel", est passionnante : il trouve les mots justes pour décrire cette philosophie toute de gaieté et d’appétit de vivre, et communique avec force cette puissance d'écriture qui habitait le vieux sage à l'époque. Les plus belles pages sont celles où il s'emballe, où il laisse tomber son statut un peu sérieux de critique littéraire et de biographe pour laisser parler sa fascination.
Dommage que Macua ait absolument tenu à mêler sa propre vie à celle de son modèle. Quand il digresse sur son nombril, on se désintéresse du livre, qui laisse entrevoir d'ailleurs un auteur un brin réac, replié sur le passé, supérieur par rapport à son lecteur, bref un type pas forcément très sympathique. On se fout un peu de la petite vie d'Arthur Macua, auteur, et de ses affres avec l'inspiration par exemple. Mais quand il revient à son sujet, et qu'il retrouve la modestie de l'admirateur, on aime ces mots jeunes, vifs, passionnés, à la hauteur de la franchise et de l'humanité de Miller. D'autant qu'il sait aussi rappeler quelques faits : que Miller n'est pas un pornographe, par exemple, ou que son contact direct avec la vie et les gens étaient aussi importants que sa production littéraire, ou que la peinture a été importante dans sa vie, ou que ses potes ont toujours relevé sa générosité, ou que, oui, son gros défaut était peut-être un peu l'égoïsme. Compte tenu des moyens qu'il a (peu), Macua réussit une biographie dynamique et joyeuse de son idole, venant ainsi gonfler les rangs de ses admirateurs : on l'acceuille à bras ouverts.