Le Livre de la jungle (The Jungle Book) de Wolfgang Reitherman - 1967

22 décembre 2024

Le Livre de la jungle (The Jungle Book) de Wolfgang Reitherman - 1967

Dernier film du vivant de Disney, Le Livre de la jungle a un statut un peu culte, d'autant qu'il est un des plus profonds et des plus beaux, adaptation du magnifique livre de Kipling oblige. On connait tous ce conte d'émancipation situé en Inde (mais peuplé d'animaux qui n'y ont jamais foutu les pattes, comme des loups ou des ours), nous présentant Mowgli, enfant sauvage, élevé par la faune bienveillante (l'ours Baloo, la panthère Bagheera, les vautours) ou malveillante (le peuple singe, le tigre Sheer-Khan, le boa hypnotiseur) de la forêt. On le prend ici, après une brève introduction très disneyenne, à l'orée d'un événement : devenu trop grand et inadapté à la dure loi de la jungle, il doit être mené chez les hommes. Bagheera, en représentant du père sage et avisé, est chargé de l'accompagner dans ce voyage. En chemin, il va rencontrer tout ce qui a fait les joies et les hantises de son enfance. A commencer par Baloo, formidable personnage, flemmard éternel, hédoniste à petite vue aimant les bananes, le rock'n roll, la danse et les gratouilles : il représente le bon pote, celui avec qui on fait les 400 coups, en même temps que la grosse peluche un peu crade dont on n'arrive pas à se débarrasser. Il y aura aussi la bande de copains pas très recommandables (les singes), les adultes prédateurs (le serpent), le caïd (le tigre), les institutions dont on se moque (l'armée d'éléphants) et les gentils aînés (les vautours). Une traversée en quelques heures de sa jeunesse, avant de pouvoir enfin dire adieu à ce passé et se tourner vers l'âge adulte, le sexe, les emmerdes (cette petite nana qui apparaît à la toute fin m'a tout l'air d'une belle emmerdeuse).

Le tout se déroule dans une joyeuse ambiance de musique swing et de jolies couleurs parfois légèrement psychédéliques, dans une jungle fantasmée du plus bel effet, et dans un festival de gags et d'aventures franchement impeccablement troussé. Le film, étonnamment bavard alors qu'il est également assez mouvementé, s'intéresse avant tout aux personnages, avant de développer sa trame d'aventures (finalement pas très chargée) : ils sont tous parfaits, et animés avec un sens génial du mouvement, avec une extraordinaire acuité dans l'observation des animaux. Le serpent, par exemple, utilise toutes les possibilités de ses anneaux, et est bluffant dans sa crédibilité ; les déplacements de la panthère témoignent d'une parfaite compréhension de la morphologie du bestiau ; et l'invention des mouvements du roi-singe est constante. Moins aimé les plans d'ensemble, qui montrent des animateurs parfois un poil paresseux (!) quand ils reproduisent à l'envi les mêmes gestes d'une scène à l'autre, où quand les transparences manquent de netteté dans les déplacements de Mowgli dans la jungle.

Mais je fais franchement la fine bouche. Le film est un vrai enchantement pour les yeux, pour l'esprit, et pour les oreilles : la musique est excellente, l:a chanson de Baloo immortelle, et les voix des animaux en VO sont parfaites (des voix adultes, qui ne minaudent jamais comme les doubleurs français). Il y a même George Sanders qui fait le tigre, un bonheur. C'est beau, coloré, drôle, surprenant, l'exotisme du contexte rencontre l'universalité du fond (pas facile de devenir un adulte et d'abandonner ses jouets d'enfant), et on retrouve le savoir-faire indiscutable de Disney qui, quelques semaines avant sa mort, est toujours aussi affûté.