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28 novembre 2024

Plaisirs inconnus (Rèn xiāoyáo) (2002) de Jia Zhank-ke

"Plaisirs inconnus est d'une certaine façon le pendant de Platform pour la génération suivante, il témoigne d'un blocage, de l'impasse dans laquelle s'est retrouvée toute une jeunesse, du moins ceux qui n'avaient pas bénéficié de la mutation économique, c'est-à-dire l'immense majorité. (...) Ces jeunes gens tournent en rond".

Lors d'une séquence d'ouverture assez époustouflante, on passe d'un héros à un autre, retrouvant même au passage le pickpocket Xiao Wu (auto clin d'oeil ; il y en aura un autre en fin de parcours puisque qu'un acheteur de dvd évoquera les précédents films de Jia) qui, justement, se fait arrêter par les flics à la fin de cette somptueuse séquence rondement menée. La fin d'un monde corrompu, le début d'un nouvel élan pour cette jeunesse née dans les années 80 ? Eh bien non, puisque ce ce Xiao Wu, on le retrouvera plus tard en usurier toujours aussi filou... Quant à cette jeunesse de Datong, où l'on est ici, plutôt le sentiment généralisé d'une vie foireuse, où la tristesse semble avoir tout recouvert, qu'il s'agisse d'amour, de travail, d'envie de voyage ou tout simplement d'avenir...

Jia se concentre sur deux personnages masculins, Bin Bin et Xiao Ji ; l'un vit au crochet de sa mère dans une usine textile sur le déclin et n'a d'espoir que dans un engagement dans l'armée - ça tombe mal puisque cela aussi foirera pour cause d'hépatite... Xiao Ji avec sa mèche rebelle qui pendouille, comme précocement morte, est amoureux d'une fille maquée avec un malfrat ; il rêve d'un avenir qui semble malheureusement trop à l'image de sa mob qu'il voudrait dévoreuse d'espace et qui le lâche à la moindre occase (la scène pleine de frustration où il semble incapable de gravir une petite pente et celle tout aussi minable où, après une échappée belle, littéralement, il tombe en panne d'essence sur une autoroute grise et humide...). Deux amis, deux bras-cassés dont les amours finissent également en chaussette (l'amour semble triste avant même de le faire... un comble...) Que Xiao Ji rencontre sa belle (Zhao Tao... danseuse qui fera tout autant du surplace au final) dans une chambre d'hôtel minable ou que Bin Bin se retrouve sur une banquette usée dans un endroit désert avec son étudiante, à chaque fois ce sentiment qu'ante-coïtum, animaux tristes. Même quand Bin Bin pousse le bouchon en allant chez une masseuse en quête (se dit-on) de happy end, on a plus l'impression que le gars est en recherche d'affection maternelle qu'autre chose. Lorsque nos deux anti-héros se décident à prendre le taureau par les cornes (braquer une banque, mais oui), le ridicule les flingue avant, pendant et après - l'humour de Jia est alors si grinçant qu'on ose à peine se moquer de nos deux gamins tant ils sont pathétiques, tant ils se savent pathétiques...

Datong, ville grisâtre où les usines explosent (un attentat qui touche, avant tout, des ouvriers : une auto-destruction ?) et où même le fleuve qui la traverse semble s'être fait la malle, ne semble pas franchement représenter l'El Dorado pour cette jeunesse. Celle-ci, si elle virevolte sur les dance-floor, si elle se perd dans des chansons sirupeuses d'une romantisme suranné, semble surtout devoir se vautrer contre les murs de cette cité hideuse... Le pire, comme on le disait avant, c'est que toute idée de départ paraît perdue d'avance ; même lorsque nos deux tourtereaux se retrouvent dans un bus ou sur une moto en quête de liberté, tous les chemins semblent ne mener à rien, comme s'ils étaient condamnés à un éternel retour... chez eux (voir également la scène terrible où Zhao Tao tente de s'extirper du bus où la retient son mac : douze fois elle se lève, douze fois il la remet, d'une pichenette, à sa place, sur la banquette). Ses jeunes rêvent de s'enivrer de vin de Mongolie (éternel fantasme de destination exotique pour Jia)  et se retrouvent systématiquement avec une gueule de bois carabinée, comme plombés par ce destin mort-né. Rêve de Mongolie mais ennui jusqu'à la lie. Un portrait cru mais terriblement juste d'une génération qui n'est même pas encore perdue puisqu'elle tourne en rond dans cet enfer (urbain) de Datong - ça ne s'invente pas. Jia ou la Chine sans filtre filmée au plus près.

Jia danke

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