Music by John Williams de Laurent Bouzereau - 2024
"Tam, tam, tam, ta-dadam ta-dadam", "Tin tindin tiiiin, tin tin diiiiin", "Ta laaaaa tidadidadilaaaaaaa", aaaah ces airs immortels qu'on a dans la tête depuis notre tendre enfance, et qui déclenchent toujours des souvenirs nostalgiques sitôt qu'ils se font entendre ! Pour peu que vous ayez vu Star Wars, E.T. ou Indiana Jones à l'âge adéquat, nul doute que les B.O. de ces films sont devenues des hymnes pour vous. On les doit à un brave homme, que ce film modeste tente de nous faire connaître un peu plus : John Williams, pianiste de jazz à l'ancienne, adepte des partitions écrites à la main, petit artisan de l'ombre qui eut l'heur de croiser au début des années 70 Steven Spielberg. Touché par l'enthousiasme du garçon, il lui écrit la musique de Sugarland Express, et c'est parti pour la carrière qu'on lui connait, jonchée de tubes et de grandes envolées symphoniques, abonnée aux énormes succès comme aux expériences plus secrètes, dans le sillage de Spielberg, donc, mais aussi de Lucas, de Richard Donner (Superman), d'Oliver Stone (Né un 4 juillet) ou de Chris Columbus (Harry Potter).
Ce qui frappe dans ce film de facture hyper-classique et trop sage, c'est la normalité du bonhomme : pas de forfanterie, pas de pose, pas de caprices de génie chez cet homme tout entier consacré à la musique, sincèrement admiratif du talent de ces jeunes gens. Un homme sans caractère, pourrait-on dire, si sa vie n'avait pas été marquée par un ou deux événements qui sortent un peu de l'ordinaire, la mort prématurée de sa femme ou une brouille tenace avec l'orchestre symphonique de Boston. Mais un homme vraiment à l'ancienne, qui n'a que très peu utilisé d'instruments électroniques, qui leur a toujours préféré les instruments traditionnels, dans la tradition de son amour du jazz (qui s'exprime génialement dans la musique de Catch me if you can, si je peux me permettre). Ce côté "petit vieux en pantoufles avec ses partitions" est très touchant : on a l'impression d'un John Williams accessible, assez loin du génie perché qu'est le Morricone de Tornatore. Contrairement au maître italien, on a l'impression en voyant ce film que Wiliams n'a pas la même envergure, qu'il n'a pas une palette aussi étendue : sa musique est toujours très lyrique, à quelques exceptions près (les deux notes anxiogènes de Jaws), très américaine et mélodramatique. Malgré tout il a réussi quelques B.O. très émouvantes, sentiment que semble partager Spielberg, qui a une grande place forcément dans le film : on découvre le moment où il entend pour la première fois le thème de E.T., ou celui où il est bouleversé par la musique de Schindler's List, et son enthousiasme est communicatif. Hors cette collaboration et celle avec Lucas, il faut reconnaitre que le bougre n'a pas croisé que des génies, et le documentaire peine à nous intéresser aux témoignages de Columbus ou de Ron Howard. Comme il est également peu généreux pour ce qui concerne la carrière symphonique, orchestrale de Williams, survolée, on a un peu le sentiment que tout son travail s'est concentré sur cette poignée de tubes. Heureusement, il y a de bien belles images d'archive (il faut le voir se marrer avec Yo-Yo Ma ou faire un combat de sabre avec un grand chef d'orchestre), et la sincérité discrète du bonhomme, ce qui suffit à notre bonheur.