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29 novembre 2024

LIVRE : Chroniques martiennes (The Martian Chronicles) de Ray Bradbury - 1950

Mais comment, dites-moi, comment avais-je pu penser que Chroniques martiennes était chiant et dépassé ? Je l'avais lu à 14 ans et telle avait été mon opinion. Mais à le relire aujourd'hui, vous me trouvez sidéré par la puissance évocatrice de ces pages, par leur mélancolie et leur humour, par les prophéties  tout à fait judicieuses qu'il déploie, par la profonde poésie douce et triste qu'il donne à lire. Bref : bien que peu adepte du genre, j'ai adoré ce livre de science-fiction. Bradbury y imagine une épopée martienne qui, dès le début du livre, démarre en plein dans le vif du sujet : on est en 1999, et la première expédition part sur la Planète rouge. Dès cette première nouvelle, l'auteur choisit son angle : la quasi-totalité des textes se dérouleront sur Mars, la Terre étant réduite à une vague étoile lointaine sur laquelle semblent se dérouler des horreurs (guerre totale, catastrophes écologiques), et ce nouvel Eldorado apparaissant comme une voie d'issue à la disparition programmée de cette bonne vieille planète bleue. Par étapes successives, de 1999 à 2026, on voit donc les premiers pas de l'homme sur le sol martien, sa rencontre avec les autochtones (car oui, Martien il y a), leurs rapports plus ou moins harmonieux, puis l'extinction progressive des Martiens, l'hégémonie terrienne, puis l'exil de ces derniers, qui regagnent la terre ravagée par la guerre. De l'arrivée terrienne jusqu'au retour au silence, c'est toute l'histoire d'une invasion, d'un saccage et d'un abandon qui s'écrit, avec comme fil rouge un triste mantra : l'Homme est un crétin qui ne rêve que de conquête et de puissance, qui détruit tout ce qu'il touche et qui ne prend soin de rien.

 

On a donc un catalogue très varié de nouvelles, reliées entre elles par une histoire commune, celle de la conquête de Mars. Certaines sont cruelles et drôles, d'autres étrangement prophétiques, d'autres tristes en diable, d'autres pleines d'un suspense à la Twilight Zone, d'autres philosophiques... Bradbury excelle dans tous les domaines. On est d'abord frappé par la puissance de ses descriptions, courtes, sèches, mais sublimes ; puis par ses dialogues, nombreux, extrêmement vivants ; puis par son imagination, débordante tout en restant crédible ; enfin par sa pertinence : on voit dans le livre tout ce qui nous menace aujourd'hui, des politiques bellicistes au réchauffement climatique, des incompétents en politique à l'égoïsme intrinsèque de l'homme. Bradbury fustige l'esprit américain, se moquant de ces péquenauds qui débarquent sur Mars pour y reproduire exactement les mêmes erreurs (libéralisme, sens de la propriété, violence, capitalisme à tout crin, avidité, xénophobie). Mais c'est tout le genre humain qui est décrit, dans toute sa nullité et ses bassesses. Face à eux, des Martiens d'abord dubitatifs, puis hostiles, enfin résolus à mourir, apparaissent comme des parangons de vertu et de courage. Bradbury est carrément poignant quand il décrit ces petits êtres se conformant à la forme humaine pour tenter de les consoler ou de rester avec eux, de se faire accepter (en vain, bien sûr), ou quand il enregistre l'exode des Noirs vers Mars, empêchée par les derniers vestiges du racisme. La tonalité du recueil est d'ailleurs très clairement à la mélancolie, comme si les aventures qui se déroulent ici étaient déjà vouées à disparaître. Le livre fait d'ailleurs souvent le coup de l'allégorie sur les cités disparues, fabriquant une sorte de mythologie martienne en direct. Au final, même si parfois il nous permet de bien nous marrer (le gars qui ouvre un comptoir à hot-dogs sur Mars pour accueillir les nouveaux arrivants... la veille de la destruction de la Terre), même s'il ne crache pas sur des nouvelles à suspense, on ressort tout ému de ces pages tourmentées par la disparition de ses contemporains et par leur méchanceté atavique. Restent quelques Terriens contemplant leur reflets dans l'eau d'un lac martien, image magnifique qui conclue ce recueil génial.

Commentaires
M
Je constate, ami libraire, qu'il n'existe sur ce blog aucune chronique sur le grand - et résolument essentiel, Louis Hémon. <br /> Ho, ho, ho. Je vous vois hausser les épaules et/ou me menacer du doigt, me lancer "Maria Chapdelaine, yiiiha...". <br /> Restons calmes. <br /> D'abord, qui a lu "Maria Chapdelaine"?<br /> Personne. Mon arrière arrière-grand-tante, peut-être... Si elle avait appris à lire.<br /> La Maria, mes 11 ans la reniflant plutôt Chapede-plomb que de laine, je ne l'ai jamais lu. Par conséquent, on n'en parlera pas ici (mais désormais, quelque chose me souffle qu'on a peut-être tous mal reniflé...A vérifier ). <br /> En revanche, connaissez-vous ce recueil de nouvelles intitulé "Le Dernier soir" que Libretto a eu l'idée épatante de publier il y a une décennie? <br /> Allez-y donc. Si, si, allez-y... Allez vous y abreuver, vous y nourrir, vous y régaler. Vous serez superlativement étonnés, je n'en doute pas une seconde, comme je l'ai été, et admiratifs.<br /> Une plume grandiose. Je pèse, oui, mes syllabes: Gran-di-o-se. Dans les yeux. Et provoquerai en duel quiconque ose dire que c'est là une fake news. <br /> Sa nouvelle "La Peur" se hisse au niveau du "Horla", ou de Lovecraft. Un sommet. Pas moins. <br /> Mais pas que. Non, pas que. <br /> On évitera le mot mot "sublime", mais certains récits poignants ne sont pas loin d'y toucher (Lizzie Blakestone, l'Indigne...)<br /> <br /> Alors pourquoi, bon sang, ce type est-il passé aux oubliettes ?? ! ! ?<br /> <br /> Forêt cachée par sa Maria-érable ? (que, du coup, je vais certainement attaquer) ? <br /> Parce qu'il a vécu une vie de patachon-voyageur, sorte de Jack London à Londres, mais totalement nul (lui) à asseoir sa postérité et plus nul encore à gagner du pognon ? (Ecrit pudiquement à ses potes: "mes revenus sont d'une maigreur pittoresque" quant il crève la dalle sur les routes vers l'Ontario avec les hobos)<br /> Parce qu'il est mort à 33 ans ? C'est court, 33 ans, fichtre. (Le mec vadrouille le long d'une voie ferrée dans le nord de l'Amérique et se fait pulvériser, avec un compagnon de route, hobo comme lui, par le Canadian Express Railways qui passait là...)<br /> Rien que ça, cette mort merveilleusement conne, suffirait à provoquer l'intérêt . "circonstances restées obscures" annonce la 4e de couverture. Renversant, je dirais. <br /> Comble de malchance -vraie tuile même- , son "Monsieur Ripois et la Némésis" (pas lu non plus) fut adapté par le médiocre, le pompeux, René Clément ( l'ai vu celui-là. Mes 15/ 16 ans y avaient éprouvé tous les symptômes de l'indigestion, voire de l'intoxication alimentaire. ).<br /> Se faire adapter par René Clément... Diable. Voilà qui est moche. Un vrai sale, méchant coup. Le pire qui pouvait arriver. A vous achever, et vous envoyer pour l'éternité sous l'eau ! L'auteur n'a même pas profité des royalties, puisque mort depuis 40 années.<br /> Pauvre Louis Hémon, il ne méritait pas ça. <br /> <br /> Pourtant, tout cela n'explique pas son absence au Tableau d'honneur de la Littérature Française majusculée. <br /> <br /> Amis, réhabilitons la plume de Louis Hémon ! ! ! <br /> <br /> Pour rappel, ceci :<br /> <br /> LOUIS HEMON. LE DERNIER SOIR. LIBRETTO.
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M
ADDENDUM à mon commentaire précédent :<br /> <br /> Hémon n'est absolument pas canadien, mais né à Brest et parisien ensuite. <br /> Le Canada, il y a séjourné 2 ou 3 ans, grand max. <br /> Soit beaucoup moins que sa douzaine d'années londoniennes. <br /> Le Québec nous l'a confisqué, sous notre républicaine indifférence et notre royale connerie. <br /> <br /> PS: Pardon, sorry, mon vieux Ray, d'avoir braqué ta page martienne. Mais fallait bien trouver un endroit, vu que ton collègue LH, y avait pas.
S
Le matin automatisé, le poème de Sara Teasdale, la vie de couple à la Martienne... évidemment que c'est génial. La série TV est toujours intéressante à voir, un peu kitch, mais toujours assez fascinante.
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