Le Pavillon d'or (Enjô) (1958) de Kon Ichikawa
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Et l'on continue d'explorer l’œuvre d'Ichikawa, laquelle, même lorsqu'elle se fait particulièrement sombre, demeure passionnante (et visuellement mirifique). Un moine nommé ici Mizoguchi (normal puisque l'interprète s'appelle Raizô Ichikawa - quel con ce Kon !) est confié à un temple à la mort de son père... Depuis son plus jeune âge, Mizoguchi, sous la forte influence de ce père, vénère littéralement ce temple qui est pour lui symbole de perfection et de pureté... Seulement voilà, notre jeune ami qui pourrait s'épanouir dans un tel cadre va devoir affronter plusieurs petits désagréments... Il y a tout d'abord son bégaiement qui a toujours constitué un motif de moquerie pour son entourage - il a ainsi particulièrement morflé lorsqu'il était à l'armée (un militaire, c'est sot, sans hésitation)... Il y a ensuite le poids de cette mère (qui continue de rôder autour du temple avant d'y être employée) qu'il a lui-même surpris en plein ébat avec un proche alors même que le pater était toujours vivant... Sa présence le crispe automatiquement... Il y a également ce moine bouddhiste, qu'il semble respecter au départ à la même hauteur que le temple, qui se révèle au fil des années un sacré filou : il s'engraisse sur les tickets d'entrée de ce haut lieu touristique et prend même, âge venant, geisha... Il y a enfin ce trublion d'ami (un boiteux interprété avec toujours la même maestria par le fabuleux Tatsuya Nakadai - sa première apparition, de dos, tout en déhanchement monstrueux, est proprement fantastique) qui l'initie progressivement à l'esprit de transgression, aux troubles mondes du désir... On sait dès le départ que l'histoire aboutira à un drame incendiaire (le film est construit en un long flash-back : Mizoguchi est chez les flics et on lui demande des comptes) mais on assiste à cette plongée en enfer dans un état de tension continue, compatissant avec ce solitaire dont le peu de certitude semble s'effriter à vue d’œil...
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Il était un temple (première apparition magique), il était un jeune novice (naïf à souhait), et drame il fut... Ichikawa nous fait ressentir tous les émois de ce jeune homme qui, à la vision de ce temple, à sa fréquentation, trouve au départ une certaine béatitude ; il ne fait aucun doute que ce temple se confond avec la figure du père respecté et l'on pense que notre gamin, malgré la disparition du pater, peut dorénavant trouver joie et réconfort dans cette simple vie... Seulement voilà quolibets et rejets des uns, honte de cette mère, corruption effective de cette figure bouddhique (Ganjirô Nakamura, menhiresque), tentation diabolique de cet autre blessé de la vie qu'est Nakadai, et notre jeune homme de perdre peu à peu pied, peu à peu foi, peu à peu cœur dans ce monde. Il est quelques apparitions féminines, souvent enchanteresses, mais qui prennent vite aux yeux de notre ami une dimension déceptive... On sent quelques émois dans ce jeune cœur, quelques soubresauts d'espoir mais qui trop vite se ternissent comme si la réalité ne pouvait que pâtir de la perfection de ce temple. Ichikawa, le cinéaste, grâce à une subtile utilisation des ellipses (trois-quatre mois sont facilement éclipsés sans qu'on en soit de prime abord averti), traduit parfaitement ce glissement progressif de notre personnage sur la pente de sa perte, comme si le moindre de ses rêves était voué à devenir chimère... Sombre destin mais joliment "mis au noir" par Ichikawa.
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