Swimming out till the Sea turns Blue (Yīzhí yóu dào hǎishuǐ biàn lán) (2020) de Jia Zhangke
Un documentaire qui se penche sur les écrivains chinois originaires de la province du Shanxi (dont est issu Jia) ? il faut reconnaître que l'on est dans une niche... Le cinéaste évoque des écrivains de différentes générations de Ma Feng (RIP), qui eut une influence sur le développement de tout un village à la fin de la seconde guerre mondiale, à l'écrivaine Liang Hing, qui revient avec émotion sur les différents membres de sa famille ; Jia Pingwa et Yu Hua complètent ce tableau d'intellectuels qui évoquent sans ambage aussi bien la période de la révolution culturelle que l'influence (ou pas) de l'Europe sur leur travail lors de l'ouverture progressive de la Chine. Si la première partie tente de ressusciter une lointaine époque (face aux terribles difficultés d'alors - le manque de nourriture -, les méthodes d'irrigation préconisées par Ma Feng, l'optimisme et la force de travail permirent des améliorations notoires) à l'aide d'interviews de vieillards qui semblent tout juste sorti de leur sarcophage pour l'occasion, les suivantes nous ramènent à notre époque moderne, Jia multipliant entre deux interview d'écrivains les prises de vue sur la ville de Xi'an et sur sa population. Une première partie où la mémoire de ces vieillards n'est pas exempt d'une certaine nostalgie (ce fut rude, mais ce fut toute leur jeunesse entre rencontre amoureuse soudaine et travail de forcenés payant) : Jia capte la parole de ces survivants qui semblent dater d'une époque préhistorique... Les propos par la suite de Jia Pingwa et Yu Hua ne sont pas totalement inintéressants en soi, permettant d'évoquer notamment des périodes relativement troubles de l'Empire du milieu (la révolution culturelle qui punit notamment aveuglément le père de l'un d'eux) mais sont, reconnaissons-le, un peu plus fastidieux à suivre... Jia a beau parsemer son films de brefs chapitres sur la vie moderne de sa Province, la parole de nos deux écrivains filmés pourtant joliment dans des cadres différents peinent à vraiment secouer nos consciences... Heureusement, Liang Hing, touchée elle-même par l'émotion en évoquant sa mère (victime de paralysie), son père ou encore la dévotion totale de sa sœur pour permettre à toute la famille a better future, réveille quelque peu notre sensibilité : on ressent tout le sens du sacrifice qu'il a fallu pour qu'elle puisse parvenir à cette position, toute la dimension humaine de son parcours... Bon, l'ensemble ne baigne pas dans une ambiance guirlandes de Noël et tournage de serviettes, certes, mais constitue tout bien pesé une intéressante mise en perspective de cette évolution chinoise - ce par le biais d'écrivains provinciaux qui ont chacun leurs petites anecdotes et connu leur chemin de croix. Bon 400 mètres nage libre !