Pêcheur d'Islande (1924) de Jacques de Baroncelli
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Parce qu'il est bon de revenir aux sources, mais aussi à Paimpol (la Bretagne, ça bouge pas), ne serait-ce que pour se rendre compte que Charles Vanel, en 1924, était déjà vieux... On le connaît par cœur ce roman de Loti, ainsi que ces histoires maudites de pêcheurs bretons. Fiancé avec Gaud (Sandra Milovanoff et ses grand yeux de femme noyée avant l'heure, fixes comme ceux d'une aveugle), mais marié spirituellement avec la mer (il ne s'en est jamais caché), Yann Moan (Charles Vanel et son charme hiératique) sait se faire désirer... Il n'aime rien tant que pêcher, elle n'aime rien tant que souffrir... Et ça tombe bien tant la Gaud, prostrée pour l'éternité, va connaître son lot de malheurs : un père qui meurt soudainement, un jeune frère tué au Tonquin et son Yann qui, marin pour l'éternité, après des fiançailles qui s'éternisent, peine à revenir vers celle qui n'a d'yeux que pour lui... Yann finira-t-il par faire le pas vers son aimée, sachant que, trompant la mer, cette dernière pourrait forcément très vite se venger...
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Louons pour commencer la restauration absolument magnifique de cette œuvre, tant au niveau de la définition de l'image qu'à celui des couleurs. C'est un bonheur de découvrir ce film dans un état de conservation qui ne lui a pas laissé une ride... C'est justice rendue, d'une certaine façon, à ces bigoudènes taillées dans la pierre et dont les coiffes imposantes semblent un hommage aux voilures, à ces églises bretonnes (tout autant taillées dans la pierre) qui semblent traverser les époques sans jamais devoir marquer le coup. On replonge dans ce monde d'il y a un siècle, repas de noces, danse traditionnelle, cérémonie religieuse en ayant l'impression que tout cela a été filmé hier - j'exagère à peine... Si cette toile de fond demeure remarquable en tout point tant elle est filmée avec amour par le cinéaste, la tragédie sentimentale qui se joue sous nos yeux demeure tout aussi attachante... Yann, sur son navire, cheveux aux vents et regards au loin, fumant sa pipe, fumé par sa pipe, ne faisant déjà plus qu'un avec cet élément marin ; Gaud, déjà dans la peau de ces futures femmes de marins ridées par les embruns, qui attendent depuis des siècles, chaque fin de journée, le retour d'un navire perdu en mer, inquiète depuis le premier jour, errant dans les cimetières, prévoyant déjà le pire avant même qu'il ne survienne ; mais c'est vrai qu'il y eut cet orage, violent, qui osa s'inviter au mariage comme un ultime avertissement des dieux... De Baroncelli n'a point besoin de trop en faire (un homme regardant l'horizon en espérant s'y perdre, une femme regardant l'horizon pour le maudire) pour donner à sa trame une dimension tragique ; des visages, des figures, un paysage, des navires qui tanguent et la messe est dite. Adaptation sobre et brillante, un simple et beau muet auquel on a indéniablement rendu une forme rutilante.
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