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19 septembre 2024

LIVRE : Que du Vent de Yves Ravey - 2024

Que du vent, voilà qui promet donc, sur le papier un simple petit souffle d'air littéraire... D'air (l'héroïne n'en manque pas) et d'adultère (on parle bien de la même), il sera question dans ce léger roman noir. Vous êtes à nouveau célibataire, avez planté bêtement votre dernier investissement, attendez avec libération le divorce à venir, bref vous êtes peinard, tentant juste de relancer la machine en ayant investi dans les produits d'hygiène en gros (un grand nettoyage s'imposait définitivement dans votre vie) et puis... forcément, quelqu'un va venir briser le cours paisible des choses. Votre voisine, jeune, jolie, s'ennuyant au bord de sa piscine à longueur de journée pendant que son mari s'occupe de ses divers trafics (normal de laver l'argent sale quand on s'occupe de blanchisseries, hihi), vient vous séduire et vous proposer le plan du siècle : dérober l'argent de son mari, cacher l'argent dans l’entrepôt que vous possédez, histoire de brouiller les pistes, puis venir la rejoindre à Veracruz... Sur le papier, once again, et ce malgré la participation de l'autre voisin à la con dans la combine, tout semble parfaitement huilé. Chacun connaît son rôle dans ce petit mécanisme. D'où pourrait venir le grain de sable, là est la question ? Ravey, avec ses courts chapitres, nous ravit (sans vraiment non plus nous procurer de bouffées extatiques violentes, convenons-en) par sa façon de planter son intrigue, de la faire quelque peu tourner en rond (différents vautours venant faire planer le danger autour de la réussite de cette affaire : le voisin un rien alcoolo, le mari de la voisine, Miko, loin d'être naïf, le nouveau partenaire de votre futur ex-femme, Spencer (un prof d'histoire, faut toujours se méfier des profs d'histoire...)) et par sa façon, débonnaire, de régler sa chute en deux-deux. Une écriture toujours aussi pointue et une ironie de bon aloi au service d'une trame qui fait dans la mesure. Une petite brise de noir rafraichissante à défaut d'un véritable tsunami sanglant. Ravey, quoi.  (Shang - 15/09/24)

 

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Pour trouver du gras, allez chercher ailleurs : Ravey préfère l'os, tailler dans la masse pour extirper la phrase nue, simple, débarrassée de tout artifice, pour voir s'il pourrait rester encore dans cette épure totale quelques traces de noir classique. Voire même si l'épure ne constituerait pas la nature même du genre. Voilà des années qu'il creuse ce sillon, et Que du vent ne sort pas du lot ; il ressemble aux autres livres du gars, et montre un auteur revenir toujours sur les mêmes motifs pour les interroger à nouveau, y tailler encore un demi-millimètre pour affiner. Un peu comme Modiano ou Ernaux, dans un autre genre. Son truc à lui, donc, c'est le noir américain. Par exemple ici, on pourrait trouver dans le roman un cousinage avec Ed MacBain ou James Lee Burke. Mais l'auteur, éminemment français, trempe cette pâte dans un bouillon à la Simenon. Il en ressort bun texte ramassé, hyper sobre, presque factuel, d'une écriture blanche et presque neutre (une écriture "à la Minuit"), alors que ce qui est raconté est une tragédie polardeuse hyper-tendue et noire. Ce mélange peut rater parfois, mais dans cet opus, il fait merveille. Car Ravey y ajoute une sorte d'humour glacé, qui vient du personnage principal : un petit mec bien loser comme il faut, bien conscient de ses incapacités professionnelles et conjugales, bien conscient aussi du fait que sa voisine, en montant ce coup fumeux, va l'entuber, mais qui y va quand même, malgré son goût pour la logique et son calme apparent. Ce Barnett fait sourire justement par son manque de caractère, par la façon qu'a Ravey de le vider de tout sentiment saillant, de toute réaction : même quand l'amant de sa femme vient fouiller dans sa maison, il le regarde faire avec apathie, et va tout droit au gouffre sans vraiment réagir. Il est un obsessionnel du détail mais un inadapté à la vie. A la fois tragique et comique, pathétique et prenant, ce livre clinique est un moment incroyable de behaviorisme et de précision.  (Gols - 19/09/24)

Commentaires
D
Je l'ai feuilleté à la librairie... Avais envie de me laisser tenter... Mais suis tombé sur des phrases genre "Le charme qu'exerçait Sally" ou "Muni de son téléphone portable".<br /> Je l'ai reposé. <br /> Moi, un charme "qui est exercé", ou un mec "muni de", ça m'arrête net. <br /> J'ai eu tort?
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D
On s'emballe, on s'emballe... Behaviouriste, my foot. Dans les quelques pages feuilletées, il m'a bien semblé, en effet, une abondance de verbes type "observer", "montrer", "remarquer", et toutim...<br /> Mais c'est un peu primaire et un poil court, pour causer de littérature du factuel, non ? <br /> Et puis, entre nous, un peu marre des os de minuit ! <br /> Ed Mc Bain est tout sauf osseux. Et certainement pas behaviouriste. Il est même tout le temps dans la tête de ses flics du 87ème ! Ce qui n'empêche pas les faits, évidemment. <br /> Son seul personnage aux apparitions régulières dont on ne sait quasiment rien des pensées, même lorsque la narration se centre sur lui, c'est le Deaf Man. On ignore ses motivations, ses projets, ses sentiments, d'où il vient... Mais ça ne fait pas de Mc Bain un auteur de romans "behaviouriste"! Loin s'en faut...<br /> A noter que ce Deaf Man (Sourdingue en français) est, de l'aveu e Mc Bain lui-même, une inspiration directe, à peine déguisée, du professeur Moriarty, génie alter ego du Mal de Sherlock Holmes. Ed Mc Bain adulait Sherlock et Conan Doyle. On est bien loin de la littérature du comportement. <br /> Je vais l'acheter d'occase, ce Ravey.
S
Pas vraiment ; c'est un Ravey a minima. Point bête, Ravey, mais léger en sucre.
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