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19 septembre 2024

À son image de Thierry de Peretti - 2024

Corse jusqu'au fond de son âme, Thierry de Peretti continue de mettre son relatif savoir-faire au service de l'Histoire agitée de son île. Nul doute qu'il ait trouvé dans le roman de Jérôme Ferrari du grain à moudre ; on n'est pas étonné de le voir adapter ce roman sombre et un peu désespéré, qui montre la Corse dans toute sa beauté, certes, mais surtout dans toute sa triste destinée, dans ces années 80-90 en tout cas. Nous suivons la courte vie d'Antonia, fille du pays ayant des velléités d'évasion : passionnée par la photo, elle se rêve à l'autre bout du monde, en reporter de guerre. Mais pour l'instant, elle doit se contenter des photos de mariage et des piges dans le journal régional. Frustration, mais la belle est pourtant très attachée à sa terre, et surtout à son beau rebelle Pascal, intraitable nationaliste qui penche peu à peu du côté radical de ses convictions. Membre du FLNC, faisant passer son combat politique avant ses amours et son avenir, abonné aux peines de prison de plus en plus longues, il plonge encore plus Antonia dans le désarroi, bloque ses rêves, bien aidé par la famille de la jeune fille, par ses amis tous convaincus par la Cause, et par l'atavisme insulaire, filmé avec force par de Peretti, qui sait de quoi il parle.

On traverse ainsi toute l'histoire récente de l'indépendantisme corse, de la lutte armée souvent dérisoire, parfois très violente, de cette putain de fierté et de caractère buté de la Corse ; et on voit combien cette histoire commune, combien ce poids de responsabilité, combien cette obligation de penser comme les autres, pulvérisent les rêves d'une jeune fille ambitieuse. Ses ambitions iront se crasher sur une route sinueuse, on le voit dès le tout départ : la destinée d'Antonia aura été courte, mais remplie de convictions, de luttes, de fidélité à elle-même et aux autres. Passons sur le jeu des comédiens, c'est la grosse épine dans le pied du film : amateurs, malhabiles, récitant un texte parfois trop théorique, ils font grimacer plus souvent qu'à leur tour, d'autant qu'on leur demande souvent d'improviser. Mais pour compenser ce défaut, on ne peut que constater que la mise en scène de Peretti est vraiment belle. D'abord parce qu'elle est solidement ancrée dans cette terre, et sait faire voir le soleil énorme, la campagne, la mer, les villes, les petites places avec un amour total ; ensuite parce qu'elle est loin de n'être que ça, et sait même souvent se montrer audacieuse et émouvante. Il y a deux séquences, qui semblent entourer le film, deux séquences musicales, où on entend les morceaux dans leur intégralité (les Béruriers pour la première, un chant bouleversant pour la deuxième à Belgrade), où le temps semble s'arrêter pour fixer un instant, une émotion. Le scénario, très habile, fidèle au beau roman, permet plusieurs niveaux de lecture à cette histoire édifiante et mélancolique (en plus de l'histoire de la Corse, on peut y voir un bel essai sur la photographie ou une fresque sur la jeunesse et l'engagement). Peretti filme tout ça avec grandeur et sobriété, tourmenté par ces existences gâchées par un combat un peu vain, amoureux de son héroïne, et corse jusqu'au bout des ongles. Une réussite.

 

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