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21 décembre 2024

Here (2024) de Bas Devos

On les aime ces petits films minimalistes carveresques d'une finesse de ton absolue, on les aime ces cadres doucettement éclairés d'un personnage tête baissée, seul ou en duo, derrière la vitre d'un café ou d'une cafétéria, la nuit de préférence, ces atmosphères définitivement hopperesques mettant en lumière des gens de peu... Loin des délires pseudo-oniriques et métaphoriques weerasethakulesques dans une jungle mystérieuse où errent sans but des êtres perdus, Devos fait le choix d'un récit en ligne droite, entremêlant avec parcimonie le destin de deux modestes individus : à ma droite, un ouvrier du bâtiment roumain, qui doit profiter de ses quatre semaines de vacances annuelles pour retourner au pays et voir, entre autres, sa mère et un ami en prison... En attendant que sa bagnole soit réparée, il redécouvre des endroits cachés (et forestiers) de Bruxelles, discute avec des amis ou sa sœur... A ma gauche, une jeune chercheuse d'origine chinoise, une biologiste spécialisée dans les mousses (...). Elle passe son été entre son labo, le resto chinois de sa tante et dans la forêt pour pratiquer des relevés... Rien ne laisse supposer que ces deux-là pourraient un jour se croiser, faire connaissance... On pourrait se quitter ici et vous laisser faire le reste du chemin en solo à la découverte de ce film au charme doux et insidieux...

Car (on ne va pas non plus se foutre de vous), ce qu'il y a de plus plaisant dans ce film de Devos, c'est qu'il se contente de montrer, sans démontrer, joue de la dramaturgie sur un fil en nous laissant tout le soin de le suivre et d'en faire, d'en penser ce que l'on veut... Deux migrants, à tout prendre, l'un dans la pierre, l'autre dans la flore (ce que le premier plan illustre avec une simplicité déjà déconcertante), deux solitaires qui, le temps d'un été, au détour d'un sentier, d'une mousse (et non, pour une fois, pas d'une bière...), vont prendre le temps de discuter, de se poser, d'étudier ces micro-organismes, les découvrir, les nommer pour mieux eux-mêmes... se découvrir ? Tout est dans ce point d'interrogation, toute la simplicité de cette trame fait la beauté et la justesse de cette œuvre où deux personnes un rien perdues prennent, semble-t-il, pour une fois un peu de temps, pour sortir de leur routine... Des étrangers qui ne demandent rien à personne, qui ont à peine le temps de penser à eux-mêmes, mais qui demeurent, malgré tout, attentifs à leur environnement ; une histoire d'amour naissante entre deux destins dont les trajectoires se rencontrent par le plus grand des hasards et dont la simplicité-même donne toute sa grandeur à la chose ; un récit de légumes (notre ami roumain en fait des soupes qu'il distribue) et d'herbe (notre amie chinoise en parle avec passion et précision) qui permet, dans cette urbanité quelque peu impersonnelle, de faire le lien entre les êtres... Il y a un peu de tout cela dans ce film sans prétention sur le papier mais capable, par ce sens inouï du cadre et des légers effets sonores, de provoquer notre attention à chaque seconde, et de nous attacher (toute la magie de ce cinéma finement distillé ?) à ces deux individus d'une rare pudicité. A découvrir here and now (c'est presque un ordre).  (Shang - 20/08/24)

 

__________________________

 

Si c'est un ordre, alors ok. J'ai attaqué le film sans rien en savoir, sauf que Shang aimait et qu'il en profitait pour envoyer une énième ruade à Weerasethakul (gratuite, pour le coup : ce film n'a rien à voir). Et j'en ressors 1h23 plus tard avec le cœur tout chamboulé : Here est un très beau film, oui, qui met un peu de temps à se faire aimer, qui se perd dans sa première partie dans des petites tramettes inutiles, mais qui, dans sa deuxième, vous remue bien les tripes, avec une économie de moyens remarquable. Dans un premier temps, donc, bien qu'admirant les cadres splendides de Devos, bien que très touché par la simplicité des plans, bien que capté par cet amour immodéré de la nature et des gens qui anime le film, on fronce un peu le nez devant le scénario, qui met tous ses efforts à nous faire croire qu'il dit beaucoup plus que ce qu'il dit. Pourquoi cette histoire de copain en prison, pourquoi ces petits détails signifiants (un prénom hurlé mystérieusement, une voiture en panne...) ? Des pistes que le film abandonne peu à peu, et il a raison : inutile de compliquer les choses, il est beaucoup plus beau quand il se contente de la simplicité d'un pique-nique en bord de rivière, d'une conversation dans un restaurant battu par la pluie, d'un gars qui doit vider son frigo, d'un amour naissant...

Abandonnant peu à peu toute velléité de trame et de symbole, le film se replie sur la simple observation de cette liaison qui se fabrique tout doucement, et là on est ému. Cette partie s'ouvre sur plusieurs travellings avant de toute beauté : on ne saurait mieux filmer la pluie qui tombe sur une forêt. Ensuite c'est une petite ballade sans but dans la forêt, où on prend le temps aussi bien de s'observer et de se laisser toucher que d'observer les mousses, les arbres, d'écouter le vent et les oiseaux. Magnifique moment suspendu, coupé du monde et en même temps relié profondément à la terre, qui prend tout son temps pour ne mettre à jour que quelques bribes, quelques balbutiements d'un amour possible, presque rien. Il y a en effet un geste à la Carver là-dedans, une manière de laisser le spectateur deviner les dessous de l'affaire, sans le brusquer. En tout cas, dans ces scènes innocentes, Devos montre une grande justesse et une grande subtilité. L'émotion qui s'en dégage est très singulière au cinéma, une manière de retenir tout, jusqu'à la trame, qui se conclue elle aussi très abruptement, parce qu'il n'est pas la peine d'en rajouter. On n'a qu'une envie : se mettre à l'étude des mousses. Conseil shanguesque impeccable.  (Gols - 21/12/24)

 

Commentaires
A
Merci à vous pour cette découverte. Vu hier, grand plaisir, envie de regarder les autres films du sieur.<br /> Et bonnes fêtes.<br /> Et continuez à nous régaler de vos critiques de qualité !
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