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25 mars 2025

Black Dog (Gou zhen) (2024) de Guan Hu

Doublement primée à Cannes dans la section Un Certain Regard (pour le film et pour le chien, je ne rigole pas, d'autant qu'il le mérite amplement (plus que le cabot Gilles Lellouche)), cette œuvre de Guan Hu (qui bénéficie de la participation de Jia Zhangke, c'est pas rien) est une véritable petite merveille... Si vous aimez le désert et les espaces mornes, si vous aimez les chiens (de toute race), si vous aimez la Chine et ses paradoxes infernaux (destruction, reconstruction...), si vous avez deux trois idées sur la liberté et une once d'espoir, si vous aimez Pink Floyd (ah ?), si les dialogues souvent, dans les films, vous emmerdent, aucun doute que vous succomberez à cette histoire qui tient sur un fil, mais quel fil !

Au départ, on suit simplement le retour d'un certain Lang (Eddie Peng, asiatiquement keatonien) dans ce territoire du nord de la Chine en bordure du désert de Gobi ; cette ancienne "star" (locale) de rock sort de prison, impliqué qu'il fut dans la mort d'un jeune homme comme on l'apprendra par la suite... Errant, il est employé avec une troupe de bras-cassés pour ramasser les chiens eux-mêmes errants qui envahissent la ville... On pourrait se contenter de cela au niveau de la trame, tant la beauté, l'intérêt, la magie qui opère résident ailleurs...

Notre homme, quasi muet, auréolé par le passé mais un passé maintenant lointain, est, c'est le moins qu'on puisse dire, sur le chemin de la rédemption en ce territoire qu'il va devoir se réapproprier ; pissant contre un mur comme un chien, il va justement se lier avec l'un d'eux... Ce fameux chien noir, un lévrier maigre comme un clou, qui, dit-on, serait enragé... Nos deux parias font cause commune, tentant d'échapper, pour l'un (le chien) aux chasseurs de prime, pour l'autre (Lang) à l'oncle du jeune homme de la mort duquel il serait responsable - ce tonton barbu, avec ses hommes de main à la ramasse, aimerait faire rendre gorge à notre ami Lang dont il trouve le comportement irrespectueux... Lang, et son chien, après une période partagée de quarantaine, tentent, malgré tout, de réapprendre, ensemble, à vivre... Un chemin encore et toujours semé d'embuches, de violence, de désillusions, d'oublis dans l'alcool... Il y a tout de même, sur cette voie, des personnes qui viennent soutenir Lang : le sage responsable de la capture des chiens (Jia), une jeune femme de passage avec son cirque, un vieil homme qui joue les gardiens de sa maison, un collègue de taff... Le film oscille entre une certaine gravité dans cette ville qui, à la veille des JO de Pékin, subit une profonde mutation et une indéniable légèreté (à l'image des accidents burlesques de Lang sur sa moto ou en bus)... Comment retrouver le goût de vivre, une certaine envie de liberté (les animaux du zoo, en toile de fond, constituent une bonne petite métaphore de base), un sourire ? Le chien est indéniablement le meilleur ami de l'homme et ce même dans cette contrée pour le moins plutôt cruelle, en général, pour la race canine (ainsi que les chameaux d'ailleurs - un chameau à la broche, ça vous dit sinon ?...). Un film aux images somptueuses qui n'a pas besoin de longs discours pour nous imprégner de son humanisme sauvage et "animal". Seule véritable ombre au tableau, chers camarades, une sortie prévue début 2025 (comme le prochain Jia Zhangke d'ailleurs) sur les écrans français.  (Shang - 27/08/24)

 

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Moi aussi sous le charme de ce film mignon comme une fable pour enfants, et ma foi fort bien foutu. On se moque un peu, à vrai dire, de cette histoire guère passionnante, et s'il faut pour ma part que je relève un défaut à la chose, ce serait plutôt dans le scénario, que j'ai trouvé un peu plat et errant. Mais une fois cette réserve notée, je ne peux que suivre le Shang sur la voie de l'admiration : Guan Hu est un metteur en scène admirable. Son grand talent est de savoir créer des images singulières, hyper-graphiques et cinématographiques, qui rentrent immédiatement dans la rétine, le genre de plans qui marquent l’œil en le surprenant. Elles sont nombreuses : l'accident de bus au début, le tigre qui traverse paisiblement la ville, un homme qui saute à l'élastique en plein désert, la meute de chiens immobiles et inquiétants qu'il faut traverser, une chèvre qui s'écroule mordue par un serpent, cette ville étrange à demi-abandonnée et livrée aux terrains vagues, aux chantiers et aux chiens errants... A chaque fois, le regard est hyper-personnel, le choix des angles de prise de vue original. Beaucoup aimé par exemple ces plans larges, qu'on dirait extraits d'un western, ou ces magnifiques travellings qui font se croiser les chemins d'un père et de son fils, ou cette belle distance par rapport au héros de cette histoire, ce chien noir décharné et étrange, qui évoque un mélange entre tendresse et altérité. Guan Hu n'est jamais là où on l'attend, ajoutant une chanson de Pink Floyd au moment le plus inattendu, déclenchant une bagarre subitement, sans qu'on l'ait vu venir, racontant la vie d'un personnage opaque et attachant, faussement mystérieux. Ce goût pour la surprise, le contre-pied, le burlesque mélangé au drame et la légèreté à la profondeur (ce qui évoque Yerzhavov, auquel on pense souvent) fait tout le sel de ce film très divertissant, drôle, étrange et on ne peut plus personnel.  (Gols - 25/03/25)

 

Commentaires
H
Voilà en effet un bien beau film, singulier et personnel comme on les aime, dans lequel on se laisse embarquer dès le premier plan, majestueux. On se prend nécessairement d'affection pour ces deux êtres solitaires, on se laisse émouvoir par cette relation homme-chien (hasard de la vie, je lisais la semaine dernière Béton de Thomas Bernhard, qui pour le moins ne l'appréciait pas : "Les hommes aiment les bêtes parce qu'il ne sont même pas capables de s'aimer eux-mêmes. Ceux qui ont l'âme le plus profondément ignoble prennent des chiens et se laissent tyranniser par ces chiens et finalement détruire") ; Jef Costello avait son bouvreuil, Lang a son chien noir. C'est peu dire que la photographie, la composition panoramique des plans et les profondeurs de champ sont magnifiques : le film est au cordeau, à l'image du paysage sec et couleur de cendres où se fond le personnage principal, loin des montagnes arborées du Kaili d'un Bi Gan. L'histoire est sans morale ni psychologie, et en tire son charme, comme un chemin qui ne mène nulle part. Le film comporte certes quelques longueurs (le premier tiers, passé la première séquence, est un peu lent) et il lui manque peut-être un petit quelque chose - de la violence ? de la passion ? de la souffrance ? du drame en tout cas - pour prétendre être un grand film. Mais n'est-ce pas le privilège des grands cinémas, hier occidentaux, aujourd'hui asiatiques, que de nous offrir d'aussi beaux films qui ne soient pas des chefs-d'oeuvre ?<br /> <br /> PS : manque une entrée Guan Hu dans la colonne de gauche.
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H
Nous serons d'accord, j'en suis certain sur ce fact-check in-du-bi-table : <br /> Le pape François, depuis l'oeil en vrille à son menton long ressemblait diablement à... Stan Laurel. ! ! ! <br /> Le prochain, espérons fort -mais en toute logique-, devrait nous faire Oliver Hardy.
H
Cela nous fait, outre la corrida, un différend de plus, cher Mitch ! Pour ce qui est du bouvreuil, je le tire, je bats ma coulpe, d'une certaine encyclopédie. Mais j'ai la faiblesse de croire qu'on peut aimer le film de Guan Hu sans être melvillien ou ornithologue ...
M
Wé... Ben, zut, suffit de faire une once de fraction d'allusion au Samouraï pour m'ôter illico toute envie !....<br /> Un bouvreuil ? Hum. Hum.<br /> C'est plus chic qu'un canari réputé pour sa connerie, ou qu'un serin pour sa cervelle d'oiseau.<br /> Mais je parie un sac de graines de tournesol que c'était bien un serin. <br /> Dont Melville est, au demeurant, un magnifique specimen. <br /> (L'ai déjà souvent seriné parmi ces pages, vi, vi, vi. ...)
C
Une version réussie de "Bombon el perro" de Sorin ?
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