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11 juillet 2024

Landru de Claude Chabrol - 1963

Les serial-killers ont toujours été des vecteurs d'humour et de dérision ; Landru encore plus, puisque le bougre affichait un calme, une éducation et un cynisme complets alors même qu'il avait envoyé ad patres pas moins de 11 femmes. Après Chaplin, Chabrol se colle au personnage, et en donne lui aussi sa vision comique. Mais d'un comique plus cinglant et presque désespéré, là où Chaplin, amer mais dynamique, tirait plus volontiers sur les ficelles de la farce. Le Landru chabrolien a le mérite de re-situer très précisément le personnage dans son temps, et de mettre en regard les assassinats perpétrés par notre homme avec les horreurs de la 1ère guerre mondiale. Le réalisateur, à grands coups d'images d'archives, de reconstitution (Raymond Queneau en Clémenceau !), de fines allusions, semble presque expliquer les meurtres de Landru par ceux, justifiés et officiels, du monde de l'époque. Et c'est vrai que le contexte est important pour comprendre le caractère complexe du personnage : bon mari et père de famille, concerné avant tout par le bien-être de sa famille, il choisit le meurtre de femmes vieillissantes comme source de revenus, jouant sur sa grande séduction pour les entraîner dans sa villa de campagne, les occire puis les faire disparaître dans le poêle.  Jusqu'au bout, Landru justifiera ses méfaits par la nécessité financière, et ne se départira jamais de son détachement par rapport à sa monstruosité. Tout le talent de Chabrol est de nous montrer cet homme terrifiant tout en le recontextualisant pour nous aider à le comprendre. Pari gagné : on est aux côtés de Landru, désolé de ses agissements mais en même temps séduit par ses engagements.

Chabrol utilise non seulement les images d'époque, mais use aussi d'une mise en scène taquine, empruntée au style français du début du siècle. La reconstitution (costumes, décors, lumières, dialogues) est délicieuse, et il y a un côté feuilleton à la Feuillade dans le découpage du film. L'aspect assumé très théâtral de l'ensemble, avec ces murs en contreplaqué et ses accessoires trop bien disposés, avec ce jeu grand-guignolesque de ses acteurs en pleine composition,  finit de nous replonger dans les années 1910 : très beau travail de côté-là, et très pertinente mise en scène du père Chabrol, qu'on trouve ici concentré comme rarement sur le style de son film. Il convoque une kyrielle d'actrices de l'âge d'or du cinéma (Morgan, Darrieux), les mélange avec son univers (Audran, Denner), et réalise une comédie cynique charmante, où la violence est mise en hors-champ, où comptent plus les manœuvres de séduction de Landru que ses meurtres proprement dits. Même son exécution (car, oui, spoiler, il sera confondu et mis à mort) est remarquablement pudique : les dernières scènes sont les plus belles, par leur sobriété et l'intelligence de leur dispositif. Enfin, à la tête de tout ça, il y a le magnifique Charles Denner, qu'on pourra trouver agaçant par son maquillage outrancier et son travail très marqué sur sa voix, mais que j'ai trouvé parfait en Nosferatu bourgeois (son jeu doit d'ailleurs beaucoup à l'expressionnisme) : drôle, élégant, crédible, dérangeant, il EST Landru tout en le jouant avec une énorme distance. Beau travail, un peu trop cérébral et manquant de chair peut-être, mais beau travail ; et puis pour une fois que Chabrol bosse...

 

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