Salinger (2013) de Shane Salerno

Trois ans après la mort de l'écrivain le plus reclus de son temps (de tous les temps ?), Salerno nous livre ce doc qui fait la part belle aux interventions des fans, des proches, des artistes qui côtoyèrent (ou tentèrent d'approcher) l'écrivain américain ou qui lui vouent un véritable culte - Salinger n'a rien fait paraître de 1965 à sa mort en 2010, toutes les pistes sont ouvertes... Beaucoup d'images, de photos viennent retracer la vie de Salinger, de ses amours (traumatiques) avec la très jeune OOna O'Neill à sa dernière apparition en public (même s'il s'agit d'images volées...) en passant bien sûr par les années de guerre passées en France, ses succès littéraires, ses liaisons particulières (son goût pour les jeunes filles de 18 ans ne s'est jamais totalement émoussé), sa disparition médiatique et littéraire. Tous les fantasmes sont permis sur la vie et les éventuels écrits de cet homme et le film tente d'y répondre en interrogeant d'anciens amis, d'anciennes compagnes, ses enfants pour tenter d'y voir un peu plus clair. Chaque photo ou mini-film exhumé constitue un document rare (qu'il s'agisse de ces photos de lui prises pendant la guerre à celles de ses impitoyables fans ou journalistes qui ont tenté de le traquer aux alentours de sa demeure) : certes, on se dit d'un côté que nom de dieu pourquoi ne pas l'avoir laissé tranquille une bonne fois pour toutes dans son exil, mais d'un autre, on reste assez curieux du personnage : découvrir concrètement son environnement proche et avoir des commentaires de première main sur la manière dont se sont déroulées les 45 dernières années de son existence nous font frissonner malgré nous - le mystère Salinger, comme beaucoup, m'a toujours titillé, j'avoue...

Ses premières publications et ses premiers échecs, ses amours déçues avec OOna que lui piqua Chaplin lorsqu'il partit sur le front, ses années au service du contre-espionnage américain qui lui font traverser la France sous les bombes (peu de dommages physiques (si ce n'est une oreille abimée) mais de plus lourdes conséquences psychologiques (avec notamment sa découverte des camps)), son mariage surprise et éclair avec une Allemande ayant collaboré avec les SS, la publication du Catcher in the Rye et le phénomène Salinger "interplanétaire" qui s'en suivit, son nouveau mariage, ses enfants, sa réclusion totale, ses lettres envoyées à de très jeunes admiratrices qu'il finit (au moins pour deux d'entre elles) par rencontrer (vivant pour un temps plus ou moins long avec elles), les trois meurtres ou tentatives de meurtre de personnalités (Lennon, Reagan...) où le tueur cite explicitement le héros du Catcher (...) et puis, et puis... à partir de 1965 la question essentielle qui se pose : existe-t-il des manuscrits ? On évoque précisément des romans terminés, des contenus présumés, voire des dates de publication (entre 2015 et 2020... oups)... Du coup on espère et on attend, on attend... Alors oui, quelques bémols bien sûr devant cette réalisation un rien tape-à-l’œil, à la ricaine (pourquoi monter deux interviews de la même personne en alternant les plans toutes les cinq secondes alors que, les deux fois, la personne dit la même chose ?) : il faut qu'il y ait du rythme,  du faux suspense, de la dramaturgie à deux balles... C'est un peu idiot car Salerno possède des témoignages et des images suffisamment intéressants pour ne pas avoir à tomber dans ce montage à la mitraillette ou ces reconstitutions à la con... Mais bon, on a droit tout de même à notre petit lot d'infos optimistes et d'images inédites sur notre JDS et on s'en contentera avec un petit rictus nerveux et idiot de satisfaction. Illustratif dans le bon (notre inextinguible soif de curiosité) et le mauvais sens (ça pique un peu les yeux ces effets constants de montage) du terme.