Bonne Mère de Hafsia Herzi - 2021
Jetez un œil 2 minutes sur Bonne Mère : vous aurez vu tout le film. Non seulement parce que sur les 90 minutes restantes, la bougresse ne parvient à maintenir aucune tension, la dramaturgie de son scénario étant réduite à zéro, le film stagnant dans son postulat de départ sans rien fabriquer comme trame ou comme personnages, sans ménager aucune surprise, si bien que tout son déroulé ressemble à son ouverture ; mais aussi parce que, comme vous le sentirez sûrement dans ces premières séquences, le style de Herzi est un copié-collé (en plus fade) de tout ce que le cinéma social et concerné a fabriqué depuis que les Dardenne ont déroulé leur premier pied de caméra et que Kechiche a écrit sa première ligne de dialogue. Au départ, donc, une volonté (qu'on peut déjà discuter) : faire le portrait d'une "mère" totale, femme de ménage faisant passer sa famille avant ses soins dentaires, obligée de trimer dur pour arriver à nourrir ses ingrats d'enfants, enjointe à la charge mentale de la bouffe, du ménage, de l'éducation, une fois rentrée chez elle, contrainte à aller récupérer du sheet pour son fils emprisonné, bref un être tout d'abnégation et de dévouement. Portrait d'une femme de l'ombre, forte mais discrète, débordée mais courageuse : on croirait une chanson de Grand Corps Malade. Et la portée du film sera à ce niveau : une déification un peu louche et facile des gens du peuple, qui fait passer Herzi pour une Ken Loach française. Mais bon, allez, on veut bien regarder ce 13000ème film sur les mérites de ces femmes invisibles, surtout que celle-ci est mise en scène dans la cité de Marseille, que Herzi connait bien et qui est en elle-même cinématographique.
De ce côté-là, on est bien déçu aussi : la ville n'est pas filmée, la caméra restant toujours à 20 cm de ses acteurs. On n'a de Marseille que cette image éternellement limitée des personnages au verbe haut, au volume sonore élevé, à l'insulte facile, à la violence permanente, une image qui ne passe que par les dialogues, jamais par les corps, jamais par le contexte de la ville. Comme dans tous les films sur la ville, Marseille est résumée à sa violence et à ses petits trafics. Avec un personnage aussi clicheteux, avec une vision de son contexte aussi convenue, on ne peut guère s'attendre à des étincelles, et effectivement. Les comédiens, intenses, ne sont pas en cause, ni la réalisation, sincère, attentive aux acteurs ; mais le film, à force de ne pas sortir de son ornière, de rester du début à la fin dans cet humanisme convenu, de ne rien raconter à part quelques petites anecdotes sans portée, finit par gaver et paraître complètement inutile. Déjà daté, ce cinéma, fait par une réalisatrice pourtant jeune, fait figure de bélier pour enfoncer des portes ouvertes.