SERIE : Fiasco d'Igor Gotesman & Pierre Niney - 2024
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J'avoue que j'ai des côtés midinette parfois, et que Pierre Niney fait partie de mes petits fantasmes crypto-gays dissimulés. En tout cas, le gars me fait bien marrer, ce qui m'a encouragé à regarder cette série, qui s'annonçait pourtant un brin putassière sur le papier. Niney possède parfaitement les outils modernes de la communication, et sait très bien fabriquer un buzz, ce qui n'augure guère de la qualité de son écriture. Pourtant, avouons qu'en fin de compte, Fiasco est très plaisant. A l'image de son héros, à la fois d'une élégance toute britannique et capable de verser dans le régressif pipi-caca-prout, la série vous emmène de cimes en abysses, parfois assez audacieuse, parfois complètement ratée. Mais l'impression qui reste est celle d'un film plutôt osé, qui tente pas mal de choses, y compris dans le mauvais goût assumé et l'humour douteux. Elle opère même, à mi-chemin, un virage assez bluffant, qui transforme la grosse farce potache entre potes en quasi-drame à la dépression latente : c'est couillu.
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La série raconte un tournage catastrophique. Le réalisateur du film, Raphaël Valande, est un débutant rempli de bonnes intentions, aux ambitions indéniables, mais dépourvu du moindre savoir-faire à tous les niveaux. Dès le premier jour, son incompétence se fait criante, et le beau projet de départ (rendre hommage à sa grand-mère résistante) se change peu à peu en naufrage par l'accumulation de catastrophes qui lui tombent dessus, en grande partie à cause de lui et de sa maladresse, mais aussi par la somme d'emmerdes inhérentes à un tournage : acteurs aux egos démesurés, météo fluctuante, accidents, problèmes financiers, réseaux sociaux malveillants, amourettes qui virent au drame, techniciens en carton, et même le meilleur pote (François Civil, très drôle) qui veut absolument un rôle dans le truc et qui va accélérer le fiasco. Il parait que les auteurs se sont inspirés de l'expérience de Kassovitz sur Babylon A.D., et rien que d’imaginer ce casse-cou***es de Kasso dans ces situations impossibles, on se marre.
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Bon, la critique du milieu ne va guère loin, et ce n'est pas du côté de la comédie acide qu'il va falloir trouver l'os à ronger. Les calamités qui tombent sur la gueule de notre apprenti-réalisateur sont trop improbables pour être crédibles, et les personnages trop caricaturaux pour les rendre telles. C'est dommage, on eut aimé voir Niney balancer du vitriol sur le milieu des stars qu'il connait bien. Au lieu de ça, il rédige à la va-vite quelques personnages grossiers (Cassel en star à grosse tête, facile) et quelques coups de pied dans les tibias qui font peu de dégât. On a du mal d'autre part avec quelques traits d'humour vraiment appuyés : ceux sur le pipi-caca (toujours eu du mal avec cet humour-là, moi) dans lequel il se complait avec délices ; ou ceux qui ne savent pas s'arrêter, s'empêchant de faire confiance au spectateur, avides de leur expliquer les vannes (un gag interminable sur Amadou et Mariam, sur-souligné). Enfin, féru d'impros, Niney surenchérit très souvent, motivé par ses copains, et on regarde souvent des potes s'amuser ensemble sans parvenir à rentrer dans leur délire.
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Mais reconnaissons quand même que le garçon est un excellent comédien, possédant parfaitement le tempo de la comédie, le sens de la réplique impayable, le don de pousser les situations jusqu'au malaise, l'absence totale de tabous quand il s'agit de faire marrer le chaland. Balancer des vannes sur le racisme, sur MeToo, sur les nazis, et qu'elles fassent mouche, ça n'est pas donné à tout le monde. Niney fonce dedans tête baissée, et grâce à son jeu imparable, efficace, hilarant, on le suit sans problème dans ces excès scandaleux. Tout en restant un parfait exemple de gags en cascade, la série, comme je disais, se teinte peu à peu d'un ton dépressif qui fait mouche : il y a quelque chose du Gondry du Livre des Solutions dans ce petit personnage sans envergure mis dans un projet qui le dépasse, mais qui veut malgré tout arriver à trouver cette petite expression personnelle, ce secret qui le hante, dans l'énorme barnum d'un tournage. Minuscule aspect touchant dans cette série, qui lui donne la saveur qui sans lui aurait manqué d'ambition : elle serait restée à l'état de potacherie, certes très drôle, mais sans portée.