LIVRE : Phallers de Chloé Delaume - 2024
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Chloé Delaume a pu me ravir autrefois avec ses attaques féministes joyeuses et décomplexées ; mais en se radicalisant, elle est devenue un bien triste personnage, et ses livres deviennent des purs crachats de haine contre les hommes, constituant non seulement des attaques inutiles, mais ajoutant en plus de l'huile sur le feu d'un combat qui n'en a pas besoin. On dit souvent que la littérature est de gauche ; mais Delaume prouve qu'elle peut aussi faire de l'activisme de droite, voire d'extrême-droite dans sa conception de la justice : faire exploser la bite des hommes semble être sa solution ultime au viol, comme la peine de mort semble être la seule réponse aux maux de la société pour les réacs. De l'effet dissuasif de la destruction des bites : on peut avoir d'autres idées avant ?
C'est donc sur les traces de Solanas que marche ici Delaume, qui n'a pas du saisir l'aspect farcesque de l'auteur de Scum Manifesto. Elle imagine une femme prenant soudain conscience de son pouvoir : en se concentrant elle arrive à faire exploser la teub des messieurs qui la harcèlent. Elle va peu à peu intégrer une communauté de "sœurs", les "phallers", dotées des mêmes pouvoirs, et organiser un énorme massacre de prédateurs : une soirée rock'n roll où seraient invités tous les violeurs (et présumés, pas de dentelle ici) et où les bites voleraient façon boucherie. Toutes les femmes ont l'air de trouver ça super malin, à commencer par Delaume elle-même, très fière de sa trouvaille. Moi aussi j'ai envie de faire exploser les musiciens de rue, mais je sais me comporter en société. Bon, en tout cas, la soirée aura bien lieu, occasion pour l'auteur de donner à lire les textes de ses propres chansons (elle œuvre aussi dans ce domaine), et pourquoi pas, de vendre quelques albums, les références se trouvant bien entendu en fin d'ouvrage (et même un QR-code pour les plus gourmands). Et massacre il y aura dans les formes, dans un joyeux foutoir très Pussy-riotesque. Ça pourrait être jouissif et fun ; c'est d'un triste absolu. Parce que Delaume veut tellement en être, veut tellement être une punk plus punk que les punks, veut tellement prouver qu'elle est la plus radicale de toutes dans sa défense de ses contemporaines, qu'elle finit par produire un livre vraiment stupide, con comme un film d'action des années 80, binaire et énervant. Pour elle tous les hommes méritent la mort, point, et elle a beau tenter de nuancer un peu, son ton ironique quand elle le fait ne cache rien. Je comprends la révolte, hein, je comprends le ras-le-bol, je comprends l'urgence de réagir ; encore faudrait-il savoir mettre de la mesure en écrivant, et ne pas s'arrêter à la violence et pis c'est tout. Mal écrit (et trop vite écrit), jamais drôle, très roublard, facile dans son fond et creux dans sa forme, le livre approche le nul et, comme je le disais, pourrait ressembler à ce que serait le féminisme 3.0, terroriste, manichéen et armé, en un mot fasciste.