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18 mai 2024

LIVRE : L'Occasion (La Ocasión) de Juan José Saer - 1988

Découverte pour moi de Juan José Saer, mythique auteur argentin mort en 2005, et déclaration d'amour immédiate : voilà de l'immense littérature comme on n'en fait plus (ma pauv'dame), ample et réfléchie, romanesque et ambitieuse. Tout démarre d'un minuscule détail : en rentrant chez lui, Bianco aperçoit sa femme avec son meilleur ami, un sourire de félicité sur les lèvres. De ce micro-événement va naître un doute lancinant qui va harceler notre homme jusqu'à l'obsession : la jalousie le tiraille, alors même qu'il ne sait pas du tout si sa femme le trompe. C'est à l'intérieur d'un cerveau malade qu'on pénètre, et qu'on pénètre les deux pieds joints. Bianco, qui plus est, est pris dans un passé qui le torture : télépathe, doté de réels pouvoirs, il a été mis en doute et conspué par les scientifiques et contraint à fuir le monde dans la pampa. Dans cette solitude (sublimement ressentie par Saer, qui met des mots exacts sur elle, notamment dans une scène symbolique de chevaux sauvages qui vous rentre direct dans le cerveau), notre homme vrille, portant sur le monde un regard désespéré, uniquement soutenu par son argent et sa femme. Il a donc tout loisir de cultiver ses doutes et même d'en faire une maladie.

 

Autour de cette "glaciation" stendhalienne, Saer développe un roman d'une ambition folle : le récit dévie parfois brutalement vers d'autres histoires, avant de retomber 30 pages plus loin sur ses pieds, ou est capable de s'arrêter sur une image pour la vider, la travailler comme un diamant, en tirer tout le jus. Il le fait grâce à un sens du rythme impressionnant, et surtout par une écriture incarnée, minutieuse et surpuissante à la fois. On est fasciné par le sens du récit (le très bel intermède sur l'enfant devin), mais aussi par la précision clinique des images, par la compréhension très fine des minuscules détails d'une psychologie (et tordue en plus). L'Occasion est un livre-monde qui s'approche (oui, c'est un cliché) de Borges dans son talent aussi bien narratif que philosophique. Comme lui, il a une extraordinaire capacité à organiser un monde très personnel, crédible, magnifiquement mis en scène, et qui est à la fois entièrement psychique, voire poétique ou magique. On est épaté en tout cas par la beauté de cette écriture, forte et marquante, par les images créées, par la symbolique du roman, et par sa philosophie : la lutte entre concret (la chair) et abstrait (la jalousie). Génial.

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