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16 mai 2024

La Rébellion (Die Rebellion) de Michael Haneke - 1983

Implacable Michael Haneke, qui nous offre une nouvelle fois avec La Rébellion un exemple de rigueur et de désolation qui marque des points. Très ancré dans la tradition littéraire nationale la plus pointue (il adaptera aussi Kafka ou Jelinek), il pioche cette fois-ci dans un roman du grand Joseph Roth, et nous balance à la face une très belle adaptation, aussi bien au niveau de la trame que de la forme du film : on est plongé corps et âme dans cette vie minuscule d'un homme sans qualité dans l'Allemagne détruite, humiliée, vaincue des années 20. Tout, ambiance, décors gris, lenteur du récit, et jusqu'au maquillage blafard des acteurs, hurle la misère morale et physique. On ne saurait rêver mieux pour rendre justice à cet auteur emblématique de cette période.

Dans le rôle de La Grande Déréliction, voici donc Andreas Plum, le mec médiocre par excellence : fier patriote de droite, convaincu de la bienfaisance de la hiérarchie et de l'ordre, il commence à déchanter lorsqu'il perd sa jambe à la guerre.  Abandonné de tous, il est condamné désormais à vivre de petits expédients (il joue les airs nationalistes à l'orgue dans la rue), mais ne renonce pas pour autant à l'amour. S'éprenant d'une veuve de passage (l'une des pires représentations de la première rencontre de l'histoire du cinéma : Haneke filme l'amour comme un moment de terreur terne), crac il l'épouse. Mais à l'occasion d'une minuscule affaire au cours de laquelle il s'en prend à un flic, il va peu à peu mettre le bras dans un enchevêtrement bureaucratique complètement étouffant, qui provoquera sa perte, ainsi que celle de tous ses idéaux : travail, famille, patrie, tout ce qu'il chérissait va finir en lambeaux littéralement dans les latrines.

Le film envoie aux gémonies le fameux optimisme allemand concernant la première guerre, à travers ce minuscule personnage convaincu de la grandeur de son pays et qui se retrouve broyé par lui. La Rébellion du titre, qui ne gagnera réellement le personnage qu'à une occasion (et qui sera fatale pour lui), est un titre bien ironique : elle ne s'applique pas à une résistance héroïque à la guerre, mais au contraire à une petite lutte triviale contre le système, lutte qui signera sa perte. Le film est presque comme un miroir du Ruban Blanc : on y voyait l'avant-guerre, ce qui a nourri le sentiment belliqueux de l'Allemagne ; on suit dans celui-ci l'après-guerre, la totale désillusion de tous ces hommes qui y croyaient dur comme fer. Il y a aussi un côté fassbinderien dans le style, glacial, gris, implacable, et on serait prêt à ranger ce film aux côté de Berlin Alexanderplatz dans sa description nihiliste de l'effondrement des valeurs nationalistes, masculinistes et racistes du pays. En tout cas, voilà un film éprouvant, qui n'a point encore la marque des grands Haneke, mais qui revêt une personnalité indéniable, et qui se révèle aussi passionnant que déprimant.

 

Commentaires
S
Bresson n'est pas loin non plus (l'âne, le séjour sous les verrous...) mais ce n'est en rien une surprise.
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