Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
OPHÜLS Marcel
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
13 mars 2024

LIVRE : L'Echec de Claro – 2024

L'ami Claro ne faisant rien comme tout le monde, vous n'aurez pas droit ici à un savant essai philosophique sur les vertus et les défauts de l'échec. Trop littéraire, trop joueur pour ça, l'auteur choisit plutôt la voie buissonnière, et nous offre ici un objet hybride, une réflexion à la fois érudite et récréative sur l'infiniment répété sentiment de faillir. Mélange de genres façon bouillon de culture, son livre attaque par plusieurs fronts son vaste sujet. On y trouve, savamment mélangé dans une ambiance faussement foutraque : une nouvelle, récit d'un tueur malgré lui rencontrant sur la route de son forfait une femme qui veut en finir ; des réflexions sur son métier d'écrivain, activité éternellement vouée à l'échec, la perfection s'éloignant toujours, l'idée de départ vous glissant toujours entre les mains, les mots se montrant toujours impuissants à exprimer clairement les choses ; quelques portrait d'écrivains qui ont fait de l'échec la figure de leur vie et de leur œuvre : Pessoa (l'homme aux 1000 pseudos), Cocteau (le frustré de la littérature), Kafka (qui ne parvient jamais à finir ses œuvres) ; un essai pour le coup un peu fumeux sur ”l'échec de boire” dans Vertigo d'Hitchcock ; quelques listes personnelles (parmi les choses qu'il échoue systématiquement à faire : ”Me laisser aller au point de corner un livre, frapper un aveugle ou acheter un recueil de Christian Bobin”, et je dis bravo) ; une confession sur la frustration de son boulot de traducteur, là aussi voué à la faillite, et de la difficulté à traduire ”It is about water” ou La Disparition de Perec) ; et au passage, pas mal de petites vannes raffinées et de bons gros jeux de mots qui évitent le pontifiant et le sérieux.

 

Résultat : forcément, on passe de plaisirs en ennuis dans ce bouquin. Du côté des (rares) seconds, le goût prononcé et tout à fait louable de Claro pour la poésie, sa défense d'une littérature qui n'explique pas tout, qui échappe à l'entendement, lui font écrire quelques pages absconses dont on voit trop l'effort qu'il a fallu fournir pour les rendre opaques. On apprécie grandement cette vision de la littérature, et on retrouve le traducteur de Pynchon ou de Moore dans cette exigence totale envers la langue : mais Claro n'est pas à la hauteur de ses maîtres, et quand il veut faire son amphigourique, il rate sa cible. On peut aussi trouver bien compliquée cette thèse sur Hitch, cette lecture de Vertigo qui se concentre sur les verres que NE BOIT PAS James Stewart au cours du film : hors-sujet pour moi. Dans les rangs des grandes réussites du livre : ce ton joueur, taquin, qu'on ne trouve que très rarement dans les essais philosophiques, et cette grande érudition quand il parle des écrivains qu'il aime. Les pages sur Kafka, sur les poètes contemporains, sur Pessoa, sur Beckett, sont vraiment magnifiques, et quand il se laisse aller au sentiment, au ressenti, il livre également quelques grandes pages : défense de l'échec, grandeur de la langue qui réfléchit à elle-même et de la littérature difficile, amertume du métier d'écrivain, mais irrépressible beauté, au final, de la lecture (elle-même un échec) ; il donne là toute la puissance de son style, et on est très touché par cette vision radicale mais jamais ascétique de la littérature. Même si on s'éloigne parfois du sujet, L'Echec reste un objet original et profond, qui n'appartient qu'à Claro.

Commentaires
Derniers commentaires
Cycles
Cycle Collection Criterion 1 2 3 4 5 6 7
Cycle Cinéma Japonais 1 2 3 4 5 6 7
Cycle Festival de Cannes 1 2
Cycle Western 1 2 3
 
 
Best of 70's      80's      90's      00's      10's
 
Ecrivains