Enième quête d'identité sur les traces d'un passé inconnu, La Part du Feu n'est ni mieux ni moins bien que les 8500 autres livres sur le sujet qu'on a lus le mois dernier. Il est même légèrement au-dessus de la moyenne parce qu'il parvient à manier un certain suspense, et surtout parce qu'il retrace une période un peu mystérieuse de l'histoire récente : l'après 68, et plus particulièrement la vie d'un groupuscule d'activistes d'extrême-gauche déçus par la "Révolution" et avides d'en découdre physiquement, par les bombes autant que par la poésie romantique. Nul doute que Gestern s'est bien renseigné sur cette période : ses personnages sont crédibles, dans leurs écrits, dans leurs actions, dans leurs contradictions. Le héros principal de la chose est le leader un peu pathétique de ce groupe, Guillermo Zorgen, et elle retrace les aléas de sa biographie et de ses positions politiques (et amoureuses) avec beaucoup de vérité. La trame démarre sur la découverte, par la narratrice, de lettres de cet homme dans les affaires de sa mère, et par la révélation qu'il serait peut-être son père. En cherchant à percer le mystère de sa naissance, elle va découvrir ce monde d'engagés écorchés vifs et extrêmes, en même temps qu'elle va tenter de résoudre l'énigme du meurtre de Zorgen.

A la fois quête d'identité, polar et chronique historique, donc, le roman ne manque pas d'intérêt, même si on arrive à prévoir les rebondissements environ 40 pages avant la narratrice, même si on a pu lire des enquêtes sociologiques beaucoup plus pointues, sous la plume d'un Jean Rolin par exemple. Quoiqu'il en soit, on suit ça, disons, sans déplaisir, parce que les personnages sont forts, parce que l'histoire tient la route. C'est plutôt dans l'écriture que ça pêche carrément : si la trame suit un peu celle d'un polar, l'écriture, malheureusement, aussi, c'est-à-dire qu'on est la plupart du temps dans un style très plat, qui délivre paresseusement des infos dans des dialogues impossibles. Le roman est vraiment fade dans sa forme, très fonctionnel, sans personnalité. On soupire devant ces descriptions de personnages tracés à gros traits, devant ces clichés même parfois (l'ancienne activiste lesbienne, le maoïste repenti qui vote UMP), et devant l'incapacité de Gestern de restituer le souffle de l'époque, la fièvre et le romantisme de cet engagement politique entier. Du coup, on ferme son bouquin sans avoir ressenti grand chose, avec juste l'impression d'avoir passé un moment sympa et sans conséquence.

LIVRE : La Part du Feu d'Hélène Gestern - 2013

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