Un premier roman américain qui se lit avec une certaine sympathie. Il y est question de quatre potes originaires du bled de Little Wing, Wisconsin. Hank est fermier (il peine à joindre les deux bouts mais il peut se reposer sur sa fabuleuse femme, Beth, et ses fabuleux enfants), Ronny est une ancienne star du rodéo (il eut son heure de gloire mais l'alcool l'a bien amoché), Kip est un entrepreneur ambitieux et Lee une star du rock (incapable de trouver un réel équilibre sentimental malgré sa fréquentation de bombasses du cinéma). Il s'agit d'un roman à cinq voix qui permet à chacun de faire part de sa petite philosophie (l'amour, l'amitié, les beuveries, la jalousie - l'essentiel, quoi) et de donner sa vision de ce petit bled isolé qui a su garder un certain charme - les Ricains et leur attachement à leurs "origines"... Butler aurait pu intituler aisément son livre 3 mariages et un enterrement amical, le bouquin étant rythmé par trois grandes fêtes (Ronny et sa strip-teaseuse, Kip et son mariage qui cherche à en mettre plein les yeux, Hank et Beth les deux éternels amoureux) et une fissure : terrible déchirement entre les deux meilleurs potes du monde, Lee et Hank, lorsque celui-ci apprend que celui-là a couché dix ans plus tôt avec celle qui allait devenir sa femme... Ce sont des petits riens, des moments nostalgiques à se rappeler l'époque où l'on faisait les 400 coups, des instants précieux de franche camaraderie ; il est aussi question d'adversité face à cette chienne d'économie et des périodes de doute dont l'on cherche toujours à se relever de façon pugnace - le Ricain est pugnace et volontaire, on le sait.

Butler parvient à nous plonger avec une certaine facilité dans sa trame secouée de mini-drames (des séparations amoureuses et amicales à la pelle... dur d'être trop fier, heureusement qu'il y a la bière…), chaque chapitre donnant un nouvel éclairage sur les liens durs comme fer (ou non) entre ces cinq Ricains - certaines façades glorieuses cachant des coeurs brisés et des situations tordues... comme si le bonheur resté finalement réservé aux personnes qui ne cherchent pas midi à quatorze heures (petites élégie de la simplicité, je n'ai pas dit des simples d'esprit). On savoure la chose comme s'il s'agissait un quatre-quarts de base qui vous tend la main et on s'attache rapidement à ce récit aux allures "d'independant movie" et à ses personnages dont les petites faiblesses sont affreusement humaines. La chose est peut-être un peu courte en bouche - les derniers chapitres fondent dans la main et le rideau tombe plus rapidement que prévu - mais il n'en demeure pas moins que ce premier roman porte en lui quelques belles promesses - on reparlera de Butler dans dix ans, rendez-vous est pris.

LIVRE : Retour à Little Wing de Nickolas Butler - 2014

Partager cet article