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6 juin 2023

Justice pour tous (... And Justice for All) de Norman Jewison - 1979

justice

Le modeste et discret Norman Jewison nous offre le film de procès le plus classique qui soit, et ma foi on l'en remercie. Dans la veine du cinéma engagé et politique de l'époque, il propose ici un portrait à charge du petit monde de la justice, où tous, des juges surpuissants aux petits avocats au bord de la rupture, semblent gagnés par la même vérole : tout n'est que corruption, déviances, manœuvres fourbes et arrangements plus ou moins douteux, et ceux qui trinquent semblent toujours les mêmes : les accusés, qu'ils soient coupables ou non, et qui n'ont pour se défendre qu'un paquet de névrosés et de bureaucrates sans pitié. Parmi eux, Arthur Kirkland, avocat incorruptible et pur, semble le dernier chevalier banc de la profession, même si ses méthodes (il casse la gueule aux juges, et n'hésite pas à jongler avec la légalité) peuvent paraître douteuses. A l'heure où il doit défendre un jeune accusé de meurtre qu'il sait innocent, où on lui envoie le dossier d'un trans black accusé de vol de voitures, où ses relations amoureuses vacillent après la rencontre d'une juge franchement de l'autre bord, où son associé commence à péter les plombs sous l'effet de la pression au travail (et de la coke), le voilà en charge de la défense d'un juge qu'il hait cordialement, accusé de viol et violence envers une femme. Notre homme fera-t-il les concessions qui s'imposent pour faire son travail, bien que la culpabilité du juge ne fasse peu à peu plus aucun doute ? Ou restera-t-il pur et dur ?

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Sachant que c'est Al Pacino qui joue Arthur Kirkland, on peut avoir un début de réponse. L'acteur, en sur-régime et de ce fait hyper impressionnant (j'adore quand Pacino fait du Pacino), traverse le film avec une énergie extraordinaire, donnant à la moindre des scènes, même les ratées, une densité très intense. Il a trouvé un personnage à la fois fatigué et survolté, dépassé par l'ampleur de la gabegie de la justice américaine, et continuant à se battre jusqu'au bout. Le film est assez comique, voire presque burlesque, dans un premier temps : les personnages sont traités comme des Guignols, et le jeu des acteurs, excessif, dirige vers une lecture farcesque et ironique du petit monde des juges. Pour exemple : une scène complètement folle où le collègue de Kirkland pète les plombs et balance des assiettes sur les flics venus le maîtriser, avec Pacino avançant protégé par ses dossiers pour arriver jusqu'à lui. Une manière de tourner en dérision les comportements des personnages tout en parlant discrètement du burn-out et de la dépression. Le ton du film est ainsi, excessif, presque théâtral parfois. Ce n'est que peu à peu qu'il devient grave et dévoile son intention : démonter la corruption et la cruauté du système judiciaire, qui peut vous envoyer un homme à la mort pour un document arrivé en retard ou condamner un innocent à des années de prison pour vice de formes. Derrière les procédures complexes et la rigidité des juges, il y a des êtres humains qui souffrent et qui meurent, c'est ce que va s'employer à démontrer, dans les cris et la sueur, notre Arthur.

Sans titre

Car heureusement, il y a Arthur qui, lui, ne se laissera pas faire. A travers un montage à l'ancienne, d'une belle fluidité malgré la profusion des événements, à travers des dialogues dynamiques (ceux entre Pacino et Christine Lahti, toujours surprenants, ou entre Pacino et son père (Lee Strasberg), touchante retrouvailles post-Actor's Studio), grâce à des situations et des personnages originaux, Jewison dynamite son film et parvient à lui faire dire enfin la vérité. C'est surtout grâce à la belle scène finale, éternelle séquence de procès, qu'il y parvient, pour un moment de vérité jouissif, qui met les méchants à bas et propose pendant deux minutes l'utopie d'un monde où la justice serait équitable. Notre Pacino termine le métrage grandi et héroïque, mais bien crevé, et on est bien de son côté. Un film digne et révolté, mais qui transforme sa colère en scènes d'action et de comédie, interprété par le plus parfait des comédiens à méthode, un petit moment sans façon bien agréable.

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