Adalen 31 (Ådalen 31) (1969) de Bo Widerberg

Et si on tenait là l'une des œuvres les plus abouties de Widerberg ? C'est fort possible tant il arrive à allier ici à la fois des faits historiques précis (le soulèvement en 1931 des dockers dans cette ville du Nord de la Suède : des manifestations qui furent sévèrement réprimandées dans le sang et provoquèrent la chute du gouvernement conservateur) et les petites histoires parallèles : en s'intéressant à la vie d'une famille (un père en grève, une mère au foyer, deux enfants dont l'un fricote avec la fille du patron de l'usine locale), on a un contre-point assez intéressant sur les événements : le père qui n'hésite pas à soigner l'un des "jaunes" (les dockers sont remplacés par des individus d'une autre région), un "jaune" qui est blessé lors d'une manifestation hostile envers ces "briseurs de grève" ; le fils qui est dans un entre-deux (sa situation financière très moyenne et ses exaltations amoureuses avec cette privilégiée sociale). On part de cette petite vie banale qui se joue dans ce bled alors que l'activité est au point mort, que tout le monde, après des semaines de grève commence à ronger son frein, pour monter en puissance : il y a d'abord cette volonté d'intimider ces briseurs de grève puis cette véritable marche en avant de l'ensemble de la ville qui, prêt pour la "lutte finale", s'embarque vers le port voisin ; les responsables des usines demandent à l'armée de stopper cette progression... Face à une armée ultra-nerveuse et à des commandants guère expérimentés, les balles fusent : après le choc, les blessés, les morts parmi les manifestants, la colère n'en est que plus grande... C'est un peu kenloachien cette marche populaire (oui, vous me voyez forcément tiquer un brin...) mais il y a heureusement ces petites échappées amoureuses qui donnent au film un ton un peu plus léger et touchant...

L'ainé, joueur de trompette, amateur de jazz et de peinture (la sympathique petite scène où Jean-Auguste Renoir est prononcé à toutes les sauces suédoises...), lorgne donc sur cette fille aux grands yeux bleus du patron : elle n'est pas ultra-farouche et les deux adolescents font ensemble leurs premières expériences... Mais ce qui devait arriver arrivera (oups, un pantin dans le tiroir) et on suivra en parallèle une autre forme de règlement "forcé" d'un problème : la mère de la jeune fille, sitôt alertée par la situation, prend les choses en main sans demander l'avis de quiconque. On sent là aussi, bien sûr, dans cette autorité parentale, tout le conservatisme de cette société où les enfants comme les simples travailleurs finalement n'ont pas voix au chapitre. Un autre épisode, à la fois traité de façon un peu plus légère mais tout aussi significative, montre un des amis du jeune homme tenter d'assouvir son attirance pour les filles en... hypnotisant son amie la plus proche (dès qu'elle cesse de bouger, il la déshabille... les circonstances (il est toujours appelé au moment crucial) faisant, bienheureusement, qu'il ne parvient jamais à vraiment "abuser" d'elle) : un épisode traité plutôt sur le ton de la comédie mais qui montre malgré tout là encore une certaine inégalité dans les rapports, un évident "abus de pouvoir". Widerberg n'est jamais à court de petites phrases lourdes de sens pour l'avenir du conflit (l'ainé face au jeune révolté : le combat, oui, mais sans éducation préalable des plus démunis, cela ne servira à rien) et parvient, tout en montrant les instants les plus dramatiques de cette confrontation tragique, à parsemer son récit de petits moments vibrants à hauteur d'homme. De bonne tenue, oui. [Et l'odyssée Criterion forte d'environ 1475 films de rendre fin ici... en attendant les prochaines parutions mensuelles...)

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