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1 avril 2023

LIVRE : Kitchen de Banana Yoshimoto - 1988

92f433eb3be23e899f094ecbff2adea53d2b21c72b2ea76b9fe8dbdd7f3e4a47Une muse a déposé ce petit livre dans mon soulier (on est en mars, mais elle fait ce qu'elle veut), je me suis donc plongé dans la littérature japonaise, ce que je ne fais pas assez souvent. Kitchen est une petite pépite de sensibilité, un livre qui s'annonce sans tambour, qui se retire toujours quand il menace de sortir les grandes orgues, et qui du coup vous marque bien plus durablement que s'il avait balancé l'artillerie. Les sentiments qui y sont décrits ne tiennent à rien : la douce mélancolie, la perte, l'amour naissant, la paix intérieure ; c'est japonais, donc c'est pudique, à peine dit, suggéré plus que clamé. On sait que ce pays a produit quelques-uns des plus discrets auteurs du moment, et ce livre-là rentre dans la catégorie des grands délicats. C'est le récit d'une petite tranche de vie de Mikage, jeune fille un peu perdue depuis que sa grand-mère est morte. Il n'y a que dans les cuisine et dans la cuisine qu'elle trouve un peu de réconfort ; et bientôt aussi dans la rencontre avec un lointain ami et sa mère, qui lui proposent de venir vivre chez eux. La découverte de ce duo bizarre (elle est un trans très original, lui un taiseux sans cesse surprenant), accompagnée de sa passion pour la gastronomie, constituent une renaissance pour Mikage, qui va retrouver foi en la vie au contact de ces êtres tout aussi déclassés qu'elle-même. Voilà, c'est tout. Mais le roman accumule les petites scènes touchantes et les réflexions craquantes sur le temps qu'il fait, la dureté de la vie, l’espoir en l'amour, qui finissent par marquer des points. On se retrouve au bout de la chose tout ému, sans réellement avoir pu cerner ce qui est émouvant là-dedans. C'est peut-être que la mélancolie, voire la dépression se nichent de façon latente entre les ligne de ce joli texte sensible : il suffit d'une notation sur les rues de Tokyo, ou d'une ligne sur le sentiment éprouvé par Mikage, pour que l'émotion pointe le bout de son nez. Très beau texte, faussement simple et épuré, joyeux et triste à la fois.

Il est suivi d'une nouvelle, "Moonlight Shadow", qui bouleverse peut-être encore plus : la narratrice de 20 ans a cette fois perdu son amoureux dans un accident de la route. Sa reconstruction en passera par trois étapes : le footing, qu'elle pratique comme une thérapie ; la rencontre avec le frère du disparu, curieux adolescent romantique et frappé lui aussi par le deuil ; et la rencontre avec une inconnue qui va la mener à la frontière d'un fantastique qu'on reconnait à mille lieues dans la littérature japonaise : le fantôme est bienveillant, porteur de mélancolie, et apparaît dans un contexte qui tient à la fois de la tradition nippone et du fantastique contemporain. Les dernières pages de ce texte éminemment original vous clouent le cœur bel et bien. Cette Banana est dotée, croyez-moi, d'une plume bien singulière.

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